Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 250
Le mardi 17 décembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de crédits no 4 pour 2024-2025
- Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial
- Les travaux du Sénat
- Le conseiller sénatorial en éthique
- La sanction royale
- La sanction royale
- Les travaux du Sénat
- Expression de vœux pour un joyeux temps des Fêtes
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mardi 17 décembre 2024
(Conformément à l’article 3-6(1) du Règlement, le Sénat a été rappelé pour se réunir à 12 heures le 17 décembre 2024, au lieu de 14 heures tel qu’ordonné antérieurement.)
La séance est ouverte à 12 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Expression de vœux pour un joyeux temps des Fêtes
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs,
C’était des mois avant Noël, la Chambre des communes était paralysée,
Et les députés, désœuvrés, étaient fort contrariés,
Quand les conservateurs proposèrent un vote de défiance, et pour cause.
[Français]
Pourquoi ne pas passer à autre chose?
[Traduction]
Le NPD avait déchiré son entente avec les huiles libérales,
Tandis que le Bloc québécois voulait porter le coup fatal.
Pierre faisait le fanfaron et les gros bras,
Et Jagmeet de répondre : « Je suis juste ici, mon gars. »
Justin, dont la cote de popularité était au plus bas,
Alla à une émission de fin de soirée pour se tirer d’embarras.
Les sénateurs, bien au chaud dans leur lit douillet,
Voyaient en rêve les projets de loi du gouvernement défiler sans arrêt.
La lune qui se reflétait sur la neige nouvelle
Éclairait comme en plein jour un paysage surnaturel,
Quand tout à coup du parquet s’éleva tout un brouhaha.
Je m’empressai aussitôt d’aller voir ce qui n’allait pas.
Je consultais le plumitif avec célérité
Pour voir de quels projets de loi on pouvait bien parler,
Quand je vis apparaître, devant mes yeux ébahis,
Toutes sortes de projets de loi d’initiative parlementaire venus des Communes... Sapristi!
Voyant une nouvelle greffière dynamique et pleine de vie,
Je savais que c’était Shaila, aucun doute dans mon esprit.
Elle enchaînait les numéros plus vite que le vent,
Appelait les projets de loi par leur nom, tantôt sifflant, tantôt criant :
« Au tour des fruits et légumes et de la biosécurité!
« Est-ce qu’il y a vraiment réciprocité?
« Passons aux produits laitiers, aux œufs, à la dinde et au poulet!
« Ce n’est pas le temps de débattre de la gestion de l’offre, enchaînez, s’il vous plaît.
« Allons, allons, tout en haut du Feuilleton!
« Plus vite, voyons, filons, filons! »
Comme les feuilles mortes qui, par jour de grands vents,
Se heurtent à un obstacle puis montent vers le ciel en virevoltant,
Les projets de loi d’initiative parlementaire s’élevaient bien haut dans l’ordre de priorité.
L’heure des discours et des votes avait sonné.
Nous devions nous mettre au travail sans plus tarder,
Remplir les bas de Noël, l’air résigné,
Offrir des bonbons, des couches et du PFK
Parce que le congé de TPS s’appliquait à tout cela.
Vint alors saint Nicolas, avec les yeux pétillants, de jolies fossettes, mais aussi
Le nez rouge comme une cerise et les joues rosies.
La bouche tendue comme le ruban sur un cadeau, il dit :
« Il y a des tarifs à l’horizon, le moment est mal choisi. »
Il fit un salut, le doigt contre le nez,
Avant de remonter par la cheminée.
Il appela son équipe en sifflant, une fois bien assis dans son traîneau.
Comme le duvet dans le vent, il s’envola aussitôt,
Mais je l’entendis s’exclamer en filant vers l’horizon :
« Invoquez la disposition de dérogation et vous aurez droit à un morceau de charbon! »
L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, j’espérais ne pas être appelé après le sénateur Woo, mais me voilà.
Comme nous arrivons à la fin de la session d’automne du Parlement, j’aimerais énoncer quelques données. Nous vivons une période agitée au Parlement, au Canada, en Amérique du Nord et partout dans le monde. Il y a un mélange de dynamiques dans l’économie et la société. L’inflation est passée d’un sommet de 8,1 % il y a deux ans à 2 % aujourd’hui. Notre ratio dette-PIB avoisine les 20 %, le plus bas des pays du G7. Le déficit de l’exercice précédent a atteint un sommet de 62 milliards de dollars, comme on l’a annoncé hier dans l’énoncé économique de l’automne, et on s’attend à ce qu’il se chiffre à 48 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Notre croissance projetée est de 2,25 %, la plus élevée parmi les pays du G7. Le système d’immigration, je l’espère, est en voie d’être maîtrisé.
La semaine dernière, la Banque du Canada a de nouveau réduit son taux pour le fixer à 3,25 %, ce qui montre que les indicateurs de base de notre économie sont solides. Cependant, le coût de la vie demeure élevé pour trop de Canadiens. Les prix n’ont pas baissé, et les salaires ont suivi le rythme. La criminalité urbaine semble augmenter. Le taux de chômage a augmenté progressivement ces derniers mois, pour s’établir en ce moment à 6,8 %.
Alors que la crise climatique prend de l’ampleur, il n’existe pas un consensus suffisant, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. La résistance à l’égalité s’accroît et entraîne des réactions inquiétantes à l’égard de la DEI et des mesures ESG. Je n’ai pas le temps d’expliquer ces abréviations, mais je vous invite à les vérifier.
La menace la plus récente vient de nos voisins du Sud. Nous avons travaillé avec le président Trump lors de son premier mandat, et il n’y a aucune raison de croire que nous ne nous montrerons pas à la hauteur de la situation cette fois-ci.
Ma dernière réflexion est que les sénateurs devraient se préparer à sortir et à rencontrer nos homologues fédéraux et étatiques aux États-Unis autant que possible au cours des quatre années à venir. L’équipe canadienne a besoin de nous. De nombreux défis nous attendent, alors préparons-nous. Comme me le disait ma défunte mère : « Remontez vos chaussettes, tenez-vous droit et parlez clairement. »
[Français]
Chers collègues, je vous présente mes meilleurs vœux pour Noël, Hanouka, Kwanzaa, ainsi que pour la nouvelle année. Je vous remercie.
[Traduction]
L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous inviter à un moment de réflexion alors que nous amorçons la période des Fêtes.
Je vous invite à vous joindre à moi pour exprimer notre gratitude à tous les membres des Forces armées canadiennes, aux anciens combattants du Canada et à tous les membres de leur famille. En cette période des Fêtes, plusieurs membres des Forces armées canadiennes seront loin de leur famille : ils se trouveront à divers endroits au Canada ou dans le monde entier pour défendre les valeurs qui sont si chères aux Canadiens.
Je tiens également à souhaiter joyeuses Fêtes aux courageux soldats ukrainiens qui luttent contre l’agression illégale de la Russie et aux enfants ukrainiens, qui souhaitent que saint Nicolas ramène leurs parents sains et saufs à la maison. C’est ce que nous souhaitons pour vous. Nous souhaitons aussi que vous remportiez la victoire en Ukraine, selon vos propres conditions, au cours de la nouvelle année.
Les conflits mondiaux en cours, comme la guerre d’agression illégale et brutale de la Russie contre l’Ukraine, nous rappellent que la souveraineté, la paix et la démocratie du Canada demeurent un effort collectif qui mérite d’être défendu, un effort que nous devons tous garder à l’esprit et dans nos cœurs, quoi qu’il arrive. Des acteurs malveillants, tant au pays qu’à l’étranger, veulent voir les Canadiens divisés. Malheureusement, la désinformation et la mésinformation se propagent et minent la confiance des Canadiens dans la démocratie.
Quand vous vous réunirez avec vos proches en cette saison, prenez le temps de dialoguer avec eux et d’échanger de façon respectueuse des idées sur ce que cela signifie d’être Canadien et sur les raisons pour lesquelles nos valeurs valent la peine d’être protégées, parce que nous ne pouvons pas laisser la peur, la haine et la division régner.
Chers collègues, je vous prie de chérir le temps que vous passerez avec vos proches en cette période des Fêtes et d’avoir une pensée pour les anciens combattants du Canada, les membres des Forces armées canadiennes et leurs familles.
Je remercie les membres des Forces armées canadiennes. Merci de défendre notre liberté et merci de faire le sacrifice d’être loin de votre famille en cette période de l’année. Je vous remercie, vous, les membres actifs, mais aussi vos familles et les autres personnes importantes qui vous soutiennent à chaque étape de votre parcours.
Je vous souhaite de passer de joyeuses Fêtes et une nouvelle année en toute sécurité.
[Français]
L’honorable Manuelle Oudar
Félicitations pour avoir reçu le prix Hommage
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Chers collègues, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui afin de souligner l’excellence de l’une de nos collègues, l’honorable sénatrice Manuelle Oudar. Le 2 décembre dernier, elle a reçu le prix Hommage pour l’année 2024, la plus haute et prestigieuse distinction de l’Institut d’administration publique du Québec.
(1210)
Ce prix est remis chaque année à une personne qui se démarque de façon évidente et reconnue par ses pairs pour la qualité de sa gestion ou par l’influence exercée sur l’administration publique au Québec. Convenons tous qu’il ne fait aucun doute, à la lecture de ces critères, qu’ils décrivent parfaitement la sénatrice Oudar et son parcours remarquable au sein de la fonction publique québécoise.
[Traduction]
Avant notre arrivée au Sénat, j’ai eu le privilège d’assister à ce cheminement remarquable. Je vais énumérer quelques-unes de ses réalisations. Au cours des 30 années qu’elle a passées au sein du gouvernement du Québec, elle a été sous-ministre adjointe au ministère de l’Éducation, sous-ministre au ministère du Travail, puis présidente et première dirigeante de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.
Sous son leadership fort, décrit par ses pairs comme rassembleur, influent et empreint d’humanisme, la commission a reçu de nombreuses reconnaissances prestigieuses, dont le Prix des Nations unies pour le service public, une reconnaissance internationale de l’excellence dans l’administration publique.
Tout cela pour dire, chers collègues, que je n’ai pas du tout été surprise d’apprendre qu’elle avait reçu ce prix prestigieux. C’est vraiment une reconnaissance de son dévouement envers le peuple québécois.
[Français]
Toutes ces réalisations lui auront d’ailleurs valu une nomination au Sénat du Canada en février 2024. Ce sont désormais tous les Canadiens qui pourront compter sur les connaissances, l’expertise, le savoir-faire et le savoir-être de la sénatrice Oudar.
J’en profite pour souligner combien son attitude ouverte et respectueuse dès son arrivée au Sénat, ainsi que son intérêt à comprendre l’institution et à y contribuer constructivement sont garants du succès qu’elle connaîtra dans ce nouveau chapitre de sa carrière déjà exceptionnelle, j’en suis certaine. Arrivée depuis moins d’un an au Sénat du Canada, Manuelle a déjà commencé à y laisser sa marque, une marque empreinte de rigueur et de professionnalisme.
Très chère Manuelle, c’est avec grand plaisir que je te félicite, au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants, pour ce prix Hommage de l’Institut d’administration publique du Québec. Il s’agit d’une reconnaissance amplement méritée.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Tamara Jansen
Félicitations pour sa victoire électorale
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui afin de féliciter la candidate conservatrice Tamara Jansen pour sa victoire éclatante d’hier soir. Elle est la nouvelle députée fédérale élue de Cloverdale—Langley City, en Colombie-Britannique.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Martin : En ce qui la concerne, il s’agit en fait d’une réélection, car elle avait été députée de 2019 à 2021.
Comme elle a recueilli 62 % des votes dans une circonscription qui était détenue par les libéraux, on peut dire que la victoire éclatante de Mme Jansen envoie un autre message clair de la part des Canadiens : ils ne veulent plus du gouvernement néo-démocrate—libéral actuel. Les libéraux et les conservateurs ont remporté cette circonscription en alternance par une mince majorité depuis sa création à la suite du redécoupage de la carte électorale fédérale en 2012 : 45 % contre 35 %, 38 % contre 35 % et 39 % contre 36 %. Hier soir, toutefois, cette mince marge s’est transformée en raz-de-marée, la candidate libérale se faisant balayer par une vague de 62 % contre 16 %.
Ce n’était rien de moins qu’un message clair et incontestable de la part des Canadiens : leur patience à l’égard de ce coûteux gouvernement de coalition a atteint sa limite. Ils ont fait écho de façon retentissante au sentiment exprimé hier par l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland lorsqu’elle a dit au premier ministre que le règne des libéraux tire à sa fin.
En ce qui concerne les Canadiens, cette journée ne saurait arriver trop tôt. Il est clair que ce gouvernement est incapable d’équilibrer un budget, de construire des logements, de faire échec au crime, de sécuriser la frontière, de sauver l’économie ou de contrôler la dette. Même le Globe and Mail notait dans un éditorial, la semaine dernière, que « [...] le gouvernement fédéral a toujours privilégié les décisions irréfléchies au détriment de la stabilité financière et économique à long terme [...] ».
Dans le tourbillon d’incertitude et d’imprudence que nous vivons sous l’actuel gouvernement néo-démocrate—libéral, les Canadiens peuvent compter sur une constante : l’engagement d’un gouvernement conservateur de bon sens qui, sous la gouverne de Pierre Poilièvre, dirigera le navire hors des eaux tumultueuses où nous nous trouvons sans cesse, pour revenir là où les Canadiens peuvent espérer et rêver de nouveau à un brillant avenir.
Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi afin de féliciter Tamara Jansen, son époux Byron et son équipe dévouée de leur victoire décisive.
Merci.
La responsabilité financière
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs :
Aujourd’hui, notre pays est confronté à un grand défi. La nouvelle administration américaine poursuit une politique de nationalisme économique agressif, ce qui comprend une menace de tarifs de 25 pour cent.
Nous devons prendre cette menace au sérieux. Il faut préserver notre capacité fiscale aujourd’hui, pour que nous puissions disposer des réserves dont nous pourrions avoir besoin lors d’une guerre tarifaire. Il faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre et qui font douter les Canadiens que nous reconnaissons à quel point ce moment est grave.
Ces paroles ne sont pas les miennes, chers collègues. Ce sont celles de l’ancienne ministre des Finances, tirées de sa lettre de démission adressée à Justin Trudeau. Ce n’est pas n’importe quelle ministre, mais la vice-première ministre du Canada qui admet que le gouvernement libéral a recours à des « [...] astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre [...] ».
Pourtant, il y a seulement quelques jours, lorsque les sénateurs conservateurs se sont levés dans cette enceinte pour vous dire exactement la même chose, c’est-à-dire que le projet de loi C-78 n’est rien de plus qu’une astuce, vous avez tourné cette affirmation en dérision et voté massivement en faveur de cette mesure législative ridicule. Vous avez accordé au premier ministre un vote de confiance retentissant, pour découvrir plus tard que sa propre ministre des Finances avait perdu confiance en lui et que le soutien de son caucus s’effritait sous ses pieds.
Honnêtement, j’ai du mal à comprendre comment on peut considérer le nouveau Sénat amélioré comme meilleur que l’ancien, alors il ne semble pas capable de faire la distinction entre l’opportunisme politique et une bonne politique publique.
L’ancienne ministre des Finances, Mme Freeland, l’a dit : les Canadiens « savent quand nous travaillons pour eux et ils savent quand nous nous concentrons sur nous-mêmes ». Pourtant, même si les Canadiens savent faire la différence, on ne peut pas en dire autant de la majorité des personnes dans cette enceinte.
La sonnette d’alarme concernant l’incapacité du gouvernement à gérer les affaires du pays retentit de manière assourdissante depuis que Justin Trudeau a déclaré que le budget allait s’équilibrer de lui-même. Pourtant, comme un train fonçant à vive allure vers un pont effondré, les sénateurs nommés par M. Trudeau n’ont pas une seule fois enclenché les freins, pas même légèrement. Ils ont approuvé tous les budgets, toutes les dépenses et ils ont permis au gouvernement de défoncer ses garde-fous fiscaux à maintes reprises avec comme résultat une dette de 61,9 milliards de dollars.
Je vous dirais que le gouvernement actuel est une catastrophe ferroviaire qui se déroule au ralenti et que la plupart d’entre vous vont devoir porter une part de la responsabilité des dommages à venir. J’ajouterais, en toute franchise, que ceux d’entre vous qui sont incapables de faire la distinction entre une bonne et une mauvaise politique publique devraient prendre le temps de réfléchir à l’idée que servir le pays en tant que sénateurs n’est peut-être pas un rôle adéquat pour eux.
AFFAIRES COURANTES
La vérificatrice générale
Commentaire sur les audits d’états financiers de 2023-2024—Dépôt du rapport
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport spécial de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada intitulé Commentaire sur les audits financiers de 2023-2024, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17, par. 8(2).
L’Énoncé économique de l’automne 2024
Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Énoncé économique de l’automne 2024.
Le Conseil du Trésor
Les Comptes publics du Canada—Dépôt du rapport de 2023-2024
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les Comptes publics du Canada pour l’exercice terminé le 31 mars 2024, intitulés (1) Volume I — Revue et états financiers consolidés, (2) Volume II — Détails des charges et des revenus, (3) Volume III — Informations et analyses supplémentaires, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, par. 64(1).
Le patrimoine canadien
L’élimination de la discrimination à l’égard des femmes—Dépôt de documents
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les documents intitulés 10e rapport du Canada sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et Observations finales de 2024 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies.
Le Conseil du Trésor
Dépôt des Rapports sur les résultats ministériels de 2023-2024
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports sur les résultats ministériels pour la période se terminant le 31 mars 2024.
(1220)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif—Présentation du trente-quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L’honorable Brent Cotter, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :
Le mardi 17 décembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son
TRENTE-QUATRIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime), a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 30 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
BRENT COTTER
(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3429.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les finances
La responsabilité financière
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, étant donné le déficit de 62 milliards de dollars — que le sénateur Cardozo a bien tenté de présenter sous un jour positif —, notre pays n’a pas les moyens de se permettre un gouvernement incompétent comme le vôtre, notamment son tour de passe-passe avec la TPS. Dans sa lettre de démission, l’ancienne ministre des Finances fait référence à « des astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre ». C’est elle qui le dit.
Vous avez critiqué les sénateurs conservateurs qui qualifiaient cette mesure de tour de passe-passe ou de combine, mais l’ancienne ministre des Finances est de notre avis. Après neuf longues années, le pays a grandement besoin d’un leadership fort et stable et celui-ci ne viendra ni de Jagmeet Singh, qui affirme que toutes les options sont sur la table, ni du gouvernement néo-démocrate—libéral, dont le mandat doit enfin prendre fin.
Monsieur le leader, avez-vous honte d’avoir soutenu ce désastre économique absolu alors que la ministre des Finances elle-même n’y arrivait pas?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à mon bien-être moral. Je suis heureux de représenter ici le gouvernement et ses politiques.
Je ne ferai pas de remarques personnelles à votre sujet ou au sujet de vos collègues, bien que vous ayez tenu des propos plutôt personnels à propos des sénateurs indépendants et du Sénat indépendant, mais le fait est que, non, je n’ai pas honte. Si vous prenez le temps de lire l’énoncé économique de l’automne, vous verrez que, malgré l’augmentation des dépenses qui est indéniable, des sommes importantes visent à accroître la protection des frontières et notre sécurité ainsi qu’à aider les Canadiens. Je vous donnerai volontiers plus de détails si vous êtes intéressé par les questions de politique gouvernementale.
Le sénateur Plett : Manifestement, même la ministre des Finances en a eu honte, car elle n’a pas voulu le présenter.
Monsieur le leader, j’ai agi de manière responsable et j’ai proposé que nous adoptions les crédits vendredi dernier. Vous avez refusé pour des raisons d’apparences. Aujourd’hui, tout le monde voit où nous a conduits cette gouvernance basée sur les apparences.
Le gouvernement néo-démocrate—libéral est en pleine déconfiture, et ses combines ont mis le Canada dans une situation épouvantable. À quand des élections sur la taxe sur le carbone?
Le sénateur Gold : Sénateur, en ce dernier jour de séance, je crois que vous avez choisi de divulguer des conversations privées. Je tiens à expliquer clairement ma position au Sénat, aux leaders et à vous, monsieur. J’ai dit qu’il serait irresponsable que le Sénat s’ajourne avant la Chambre, parce que la Chambre pourrait très bien nous confier une tâche que nous aurions l’obligation constitutionnelle d’accomplir.
Je vous prie, sénateur, avec tout le respect que je vous dois, de ne pas déformer mes propos ni mes...
L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, alors que les Canadiens sont confrontés à la perspective d’une guerre tarifaire avec les États-Unis, Justin Trudeau centre ses efforts sur des astuces et il tente de s’accrocher au pouvoir. Pendant ce temps, notre pays fait face à une crise historique du coût de la vie. La taxe sur le carbone de Justin Trudeau ne fait qu’exacerber des problèmes comme le prix élevé du logement, l’insécurité alimentaire, l’augmentation de l’endettement lié au logement, de l’inflation ou des dépenses courantes.
Bien entendu, le premier ministre soutient que la taxe sur le carbone est essentielle pour préserver l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Il ajoute même qu’elle est nécessaire pour empêcher le Canada d’étouffer à cause du réchauffement de la planète. La vérité, monsieur le leader du gouvernement, c’est que c’est Justin Trudeau lui-même qui est en train d’étouffer le Canada. Avec des déficits comme celui, sans précédent, de 62 milliards de dollars qui a été dévoilé hier et qui dépasse de 50 % ce que le gouvernement avait prévu, nous outrepassons les garde-fous budgétaires liés à la dette.
Sénateur Gold, ma question est très simple : avez-vous encore confiance dans la capacité du gouvernement à assurer un avenir radieux à...
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : De nombreuses observations ont été formulées et une seule question a été posée.
Pour répondre autant que possible, tout d’abord, une fois de plus, monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, vous êtes à côté de la plaque. Des économistes réputés et indépendants ont dit, non seulement au sujet de la taxe sur le carbone en tant que politique, mais aussi au sujet de son incidence réelle sur les prix, que les choses ne correspondent pas aux propos que vous diffusez.
Il n’en reste pas moins qu’en dépit de l’augmentation des dépenses qui a creusé le déficit, l’économie du Canada demeure viable, comme l’ont affirmé des économistes indépendants, et ce, même récemment, devant nos comités. Les investissements prévus dans l’énoncé économique de l’automne pour assurer la sécurité des frontières et régler le problème du coût de la vie, sont dans l’intérêt des Canadiens, et ceux-ci en ont désespérément besoin.
Le sénateur Housakos : Des économistes réputés? L’adjectif « réputé » et le gouvernement Trudeau ne vont pas ensemble en ce moment.
Pourquoi n’écoutez-vous pas les électeurs de la Colombie-Britannique, qui ont indiqué clairement hier soir qu’ils ne font pas confiance au gouvernement actuel? D’anciens ministres comme Catherine McKenna ont exprimé clairement qu’ils ne font plus confiance au gouvernement, tout comme plusieurs autres membres du caucus. Même la vice-première ministre de Justin Trudeau — sa complice la plus fidèle depuis des années — a déclaré clairement qu’elle ne fait plus confiance au leadership du gouvernement actuel.
Ma question est bien simple : sénateur Gold, faites-vous confiance à ce gouvernement inepte et désastreux?
Le sénateur Gold : Sénateur Housakos, la question est de savoir si la Chambre des communes fait confiance au gouvernement actuel. À ce que je sache, le gouvernement bénéficie toujours de la confiance de la Chambre des communes.
Pour ce qui est des économistes, Trevor Tombe et Jennifer Winter, qui sont professeurs à l’Université de Calgary et qui ne sont pas des employés du gouvernement, ont clairement présenté les faits que vous continuez à nier au sujet de l’effet de la tarification du carbone sur le coût de la vie.
Les affaires mondiales
Le libre-échange Canada-Équateur
L’honorable Rosa Galvez : Sénateur Gold, Affaires mondiales Canada en est aux dernières étapes de la négociation d’un accord de libre-échange avec l’Équateur. Cet accord vise, entre autres, à promouvoir le secteur minier canadien.
En octobre, une délégation de dirigeantes autochtones et de protectrices des eaux de l’Équateur s’est rendue à Ottawa pour faire des allégations de violations des droits de la personne et de menaces environnementales liées aux projets miniers canadiens. Actuellement, Amnistie internationale fait état d’une aggravation de la situation des droits de la personne et d’attaques contre les particuliers qui tentent de protéger leurs terres et leur eau. Quelles mesures concrètes le gouvernement prend-il pour évaluer, de manière indépendante, l’incidence sur les droits de la personne de l’augmentation des activités minières canadiennes en Équateur?
(1230)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice, et de vos efforts inlassables dans ce dossier. Je vous remercie de continuer à vous préoccuper de la relation entre le développement économique et l’exploitation minière, ainsi que de leurs répercussions sur les droits de la personne, en général, de même que sur les intérêts des Autochtones ici et à l’étranger.
Il est vrai que tous ces éléments sont interreliés. Même si nous avons fréquemment tendance à les considérer comme des concepts distincts et que ceux qui viennent nous en parler n’en présentent souvent qu’un aspect, ils sont tous interreliés, comme nous le sommes tous dans ce monde. Comme vous le savez, le gouvernement dispose du Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, qui a pour mandat d’examiner les plaintes et les inquiétudes concernant de possibles violations des droits de la personne par des entreprises canadiennes qui mènent des activités à l’étranger, notamment dans les secteurs vestimentaire, minier, pétrolier et gazier. Le gouvernement prend donc très au sérieux les préoccupations que vous avez soulevées, et j’en ferai certes part à la ministre.
La sénatrice Galvez : En novembre, Affaires mondiales Canada a publié un résumé de l’analyse comparative entre les sexes préliminaire pour les négociations de l’accord de libre-échange Canada-Équateur. Ce résumé ne contient aucune information sur les répercussions sexospécifiques de l’exploitation minière en Équateur, notamment des rapports faisant état de l’augmentation des menaces et de la violence fondée sur le sexe contre les femmes dans les communautés minières. Quelles mesures prendra le gouvernement pour combler ces lacunes regrettables dans l’étude sur la sexospécificité des répercussions?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, mais aussi d’avoir attiré mon attention sur le sujet. Je ne sais pas quelles informations ont été fournies à la ministre à ce sujet, mais je sais qu’elle serait ouverte à recevoir de telles informations. Je soulèverai la question auprès de la ministre à la première occasion.
Les relations Couronne-Autochtones
Les négociations de traités
L’honorable Yvonne Boyer : Sénateur Gold, le 26 novembre, au cours de la période des questions, j’ai demandé au ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord quand il pensait voir aboutir les négociations en vue de la conclusion d’un traité avec la Fédération métisse du Manitoba et avec la Nation métisse de la Saskatchewan. Il a répondu qu’il avait l’intention de conclure les négociations dans les jours suivants dans un cas et dans les semaines suivantes dans l’autre cas. Si je félicite la Fédération métisse du Manitoba pour la conclusion de la négociation de son traité, il ne semble pas que la négociation du traité avec la Nation métisse de la Saskatchewan aboutira dans les prochaines semaines. Dans tout le territoire métis, les citoyens métis ont jugé encourageant l’engagement du ministre à conclure sans tarder à ces traités importants. Pouvez-vous nous dire quand la Nation métisse de la Saskatchewan peut s’attendre à voir aboutir la négociation de son traité et comment le ministre entend parvenir à ce résultat dans les délais qu’il s’est fixés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de nous rappeler les progrès accomplis en ce qui concerne la relation entre la Nation métisse de la Saskatchewan et le Canada et l’entente de reconnaissance et de mise en œuvre mise à jour de l’autonomie gouvernementale de la Nation métisse de la Saskatchewan. Il s’agit d’une étape importante, mais il y a encore du travail à faire.
Le gouvernement travaille effectivement sans relâche pour conclure un traité d’autonomie gouvernementale avec la Nation métisse de la Saskatchewan. Il espère poursuivre l’important travail en cours à la table des négociations. Il continuera de travailler avec tous les partenaires métis pour promouvoir la réconciliation, renouveler les relations, promouvoir la vision qu’ont les Métis de l’autodétermination et bâtir un avenir meilleur pour les citoyens métis et les générations à venir. Je ne connais pas le calendrier ni l’état d’avancement exact de ce dossier, mais on m’a assuré que le travail se poursuit de manière responsable et en toute bonne foi.
La sénatrice Boyer : Le mois dernier, le ministre semblait convaincu qu’il serait en mesure de conclure les négociations des traités, mais le gouvernement du Canada semble apporter des modifications de dernière minute qui empêchent tout progrès. Après s’est engagé publiquement à conclure les négociations sur ce traité d’ici quelques semaines, quels facteurs ont, selon vous, changé au point de ralentir les progrès accomplis dans le dossier du traité de la Nation métisse de la Saskatchewan et d’empêcher le ministre de respecter son engagement?
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Je n’ai pas suivi les négociations, donc je ne peux pas répondre à votre question. Toutefois, je communique régulièrement avec le ministre et je vais certainement aborder cette question avec lui.
La sénatrice Boyer : Merci.
Les pêches et les océans
L’aquaculture
L’honorable Krista Ross : Sénateur Gold, la décision du gouvernement fédéral d’interdire la salmoniculture dans des parcs en filet en Colombie-Britannique engendrera la perte de milliards de dollars en revenus ainsi que la perte de milliers d’emplois. Cette décision ne tient même pas compte du droit à l’autodétermination des communautés côtières des Premières Nations. Le propre plan d’action du gouvernement dit :
De nombreuses Premières Nations et communautés côtières qui dépendent actuellement de la salmoniculture en parcs en filet ouverts se trouvent en milieu rural et éloigné et ont peu d’occasions économiques.
Il dit également :
[...] les Premières Nations s’inquiètent toutes des répercussions économiques négatives potentielles sur les communautés autochtones et les propriétaires d’entreprises alors que le secteur s’éloigne des technologies de parcs en filet ouverts [...]
Quand le gouvernement écoutera-t-il ses propres conseillers principaux et quand présentera-t-il un plan réaliste en ce qui a trait à la salmoniculture dans des parcs en filet ainsi qu’aux droits des Premières Nations?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Le gouvernement demeure déterminé à protéger le saumon sauvage ainsi qu’à promouvoir des pratiques plus durables en matière d’aquaculture. Comme vous l’avez correctement souligné, ces questions convergent à plusieurs endroits, notamment en Colombie-Britannique, mais c’est également le cas sur la côte Est.
Depuis plusieurs années, le ministère des Pêches et des Océans entend un large éventail d’opinions, de préoccupations et de points de vue à l’égard de la salmoniculture dans des parcs en filet en Colombie-Britannique. Le gouvernement demeure déterminé à assurer une transition responsable, réaliste et réalisable qui encouragera des formes novatrices de production dans le domaine de l’aquaculture de manière à favoriser un avenir plus durable.
La sénatrice Ross : Je vous remercie. L’ébauche du plan de transition a été publiée avec trois mois de retard. Le gouvernement a dit que le plan de transition final sera publié en 2025. Quand le gouvernement prévoit-il publier le plan final?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas d’échéancier. Je sais qu’il est nécessaire de discuter avec les intervenants et de consulter les communautés autochtones et d’autres parties intéressées pour bien faire les choses. C’est parce que, dans certains cas, les intérêts économiques, environnementaux, écologiques et communautaires sont contraires. Je ne manquerai pas de faire part à la ministre de vos préoccupations sur l’échéance, mais je n’ai pas de réponse précise à vous donner aujourd’hui.
[Français]
Les finances
L’Énoncé économique de l’automne 2024
L’honorable Michèle Audette : Monsieur le sénateur Gold, hier, je lisais un article de Radio-Canada où l’on attribuait une partie du déficit aux peuples autochtones. Vous comprendrez que j’ai été choquée de lire cet article. Il est important de se rappeler que le Canada a des obligations légales et morales envers les peuples autochtones, notamment les traités historiques et modernes, les ententes sur l’autonomie gouvernementale, les engagements qu’il doit reconnaître, le respect de nos droits autochtones et, bien sûr, le droit à l’autodétermination et la restitution des terres.
Est-ce une façon de détourner l’attention des obligations légales et morales du gouvernement de mettre le déficit sur notre dos en ce moment?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Je n’ai pas tous les détails devant moi, mais si je comprends bien — et j’espère que j’ai raison —, il y a des investissements qui ont été faits et des fonds qui ont été mis de côté pour répondre à nos obligations envers les peuples autochtones.
Cela répond à une obligation constitutionnelle et morale du Canada envers les Premières Nations et les peuples autochtones.
Le gouvernement ne va jamais mettre ce dossier de côté juste pour des questions d’optique ou de politique partisane. Ce sont des obligations que je dirais sacrées. Si je comprends bien, c’est la raison pour laquelle ces fonds figurent dans l’Énoncé économique de l’automne 2024.
La sénatrice Audette : Serait-ce possible de demander au haut fonctionnaire qui a répondu aux questions de reconsidérer sa réponse, parce qu’il semblait affirmer que nous étions la cause d’une bonne partie du déficit? Je vous fais confiance, parce que les stéréotypes ou le racisme systémique n’ont pas leur place; nous avons fait nos preuves. Pouvez-vous assurer qu’il y ait une correction pour ne pas qu’on croie que c’est encore la faute des peuples autochtones si l’on se retrouve dans cette situation? Merci.
Le sénateur Gold : Nous pourrions peut-être en discuter davantage, parce que je n’étais pas au courant de la réponse de ce fonctionnaire. Ma réponse — et j’espère avoir raison — était qu’il s’agissait des fonds qui ont été inclus dans l’Énoncé économique de l’automne 2024 que vous avez mentionné. Je vais m’informer davantage. Vous pourriez peut-être me donner un coup de main là‑dessus.
Les mesures fiscales temporaires
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, la semaine dernière, à l’occasion de mon discours contre le projet de loi C-78, qui porte sur le congé de deux mois sur la TPS, j’ai évoqué 32 raisons pour voter contre ce projet de loi.
Hier, dans sa lettre de démission, l’ex-ministre Freeland en a évoqué une 33e, soit que le projet de loi C-78 est une astuce, une gamique politique coûteuse que nous ne pouvons pas nous permettre.
Monsieur le leader, est-ce que vous partagez l’analyse de l’ex‑ministre des Finances?
(1240)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Dans un premier temps, cela me permet d’exprimer la gratitude du gouvernement à l’endroit de Mme Freeland, qui est, à tout point de vue, une grande Canadienne. Parmi ses nombreuses réalisations, Mme Freeland a supervisé les négociations de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne; de plus, elle a mené la renégociation de l’ALENA, elle a lancé le plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et elle a montré un soutien indéfectible au gouvernement de l’Ukraine et à la lutte contre les visées impérialistes de la Russie en Europe. Malgré l’opposition de plusieurs sénateurs, nous avons voté en faveur de cette mesure fiscale, et j’espère que les Canadiens vont en profiter.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, hier, le gouvernement a déposé à l’autre endroit l’Énoncé économique de l’automne 2024, et pas un seul ministre n’était présent pour répondre aux questions des députés des partis de l’opposition. Rappelons que l’Énoncé économique de l’automne 2024 prévoit un déficit 50 % plus élevé que l’an dernier, soit 62 milliards de dollars.
Monsieur le leader, les ministres ont quitté la salle; ils ont fui et se sont dérobés de leurs responsabilités. Est-ce normal? Ont-ils honte? Sont-ils gênés?
Le sénateur Gold : Ce n’est pas à moi de commenter leur comportement, mais nous avons bien de la chance que je sois ici devant vous pour répondre à toutes vos questions au nom du gouvernement.
[Traduction]
Le Bureau du Conseil privé
Les membres du Cabinet
L’honorable Denise Batters : En 2018, le premier ministre Trudeau a déclaré que les gens vivent leurs interactions différemment. C’est bien vrai. Il suffit de demander aux femmes du Cabinet de Justin Trudeau ce qu’elles pensent de leurs expériences avec lui. Jody Wilson-Raybould a dit : « J’aurais aimé [...] ne jamais vous rencontrer. » Elle a été forcée de quitter le navire. Jane Philpott a déclaré : « Il y a beaucoup plus à dire dans cette histoire. » Elle a été forcée de quitter le navire. Celina Caesar-Chavannes a dit : « Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie de me retrouver dans la même pièce que quelqu’un. » Elle a été forcée de quitter le navire. Et maintenant, Chrystia Freeland déclare, dans un langage voilé, que les Canadiens « [...] savent quand nous travaillons pour eux et ils savent quand nous nous concentrons sur nous-mêmes. Et voilà qu’elle aussi a dû quitter le navire. Il semble que, chaque fois qu’une femme dit « non » au premier ministre ou dénonce son comportement, elle se retrouve jetée par-dessus bord. Nous ne sommes plus en 2015, mais en 2024, et savez-vous comment nous appelons un homme qui intimide et rabaisse constamment les femmes qui le défient, sénateur Gold? Nous le qualifions de sexiste. Quand ce faux féministe de premier ministre nous rendra-t-il enfin service à tous et quittera-t-il lui-même le navire?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. On sent bien que c’est la fin de l’année. On a droit aux mêmes airs des années passées. Le musicien en moi apprécie les vieux succès qu’on entend pendant la période des Fêtes.
Chers collègues, pour ce qui est de faire des choses pour les femmes et de les soutenir, le gouvernement actuel a tenu ses promesses. Qu’il s’agisse de services de garde d’enfants abordables, qui permettent à des centaines de milliers de femmes d’entrer sur le marché du travail et d’avoir accès aux services de garde dont elles ont besoin à un prix abordable, qu’il s’agisse de fournir des moyens de contraception gratuits ou d’offrir l’Allocation canadienne pour enfants, qui aide les Canadiens à payer les factures, le gouvernement actuel a tenu ses promesses. Que font les parlementaires conservateurs chaque fois? Ils votent contre ce type de mesures. Les actes sont plus éloquents que les paroles.
La sénatrice Batters : Wow. Il y a une semaine, lors d’un souper organisé par l’organisme À voix égales, le premier ministre Justin Trudeau a proclamé : « [...] je veux que vous sachiez que je suis et que je serai toujours un fier féministe [...] » Il a également vanté les mérites de Chrystia Freeland, la première femme à occuper le poste de ministre des Finances. Cependant, elle était en désaccord avec lui sur les politiques et, trois jours après ce souper, dans une rencontre sur Zoom, il lui a retiré le portefeuille des finances et l’a remplacée par un homme. Le féminisme dont Justin Trudeau s’enorgueillit n’est qu’une mascarade, sénateur Gold. Qu’est-ce qui se passe avec le premier ministre et son incapacité à accepter qu’une femme lui dise non?
Le sénateur Gold : Encore une fois, je n’accepte tout simplement pas la prémisse de votre question. Une fois de plus, le gouvernement a tenu ses promesses et, tant qu’il aura la confiance de la Chambre, il continuera à mettre en œuvre des programmes concrets pour des gens bien réels, y compris les femmes, leurs enfants et leurs familles.
Les finances
L’Énoncé économique de l’automne 2024
L’honorable Tony Loffreda : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Le gouvernement a présenté son énoncé économique de l’automne hier. Même si je suis déçu de constater que le déficit s’alourdit de 22 milliards de dollars, le document contient plusieurs nouvelles initiatives stratégiques qui devraient plaire au milieu des affaires. Par exemple, je salue la création du bureau de réduction du fardeau administratif. Le régime réglementaire du Canada, qui inclut souvent des règlements désuets et trop contraignants, a désespérément besoin d’une refonte. Pouvez-vous confirmer que, lorsque le nouveau bureau sera établi, il s’appuiera sur les recherches et les données actuelles pour se mettre rapidement à l’œuvre et éviter tout délai? L’économie d’ici ne peut littéralement pas se permettre des mois et des années de consultations supplémentaires alors que beaucoup de travail a déjà été fait dans ce dossier.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Le gouvernement actuel continuera de prendre des décisions en s’appuyant sur les recherches et les données les plus récentes. Je n’ai aucun doute que le nouveau bureau se mettra rapidement à l’œuvre pour s’attaquer aux éléments importants que vous avez soulignés.
Le sénateur Loffreda : Quand je pense à la paperasserie et à la réglementation gouvernementale excessive, les barrières commerciales interprovinciales me viennent à l’esprit. Le gouvernement s’engage à publier une liste des mesures restrictives que chaque province a mises en place et qui nuisent au commerce à l’intérieur du Canada. Le gouvernement s’appuiera-t-il sur le bon travail du rapport de 2016 de notre Comité des banques, Des murs à démolir, qui a déjà suggéré des mesures pour éliminer ces barrières et promouvoir la croissance économique?
Le sénateur Gold : Le gouvernement s’est appuyé et continuera de s’appuyer sur le bon travail de nos comités sénatoriaux, qui l’inspirent et l’éclairent. Le gouvernement a déjà pris de solides mesures en réduisant un tiers des exemptions fédérales, ce qui offre une plus grande mobilité aux entreprises canadiennes et plus d’occasions de croître et de se mesurer à leurs concurrents partout dans le pays. Ce travail doit se poursuivre au niveau fédéral et certainement au niveau provincial. Je vous remercie de votre question.
L’environnement et le changement climatique
Les cibles du Canada en matière de réduction des émissions
L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, il y a deux semaines, j’ai demandé si le gouvernement suivrait la recommandation du Groupe consultatif pour la carboneutralité qui consiste à fixer une cible ambitieuse de réduction des émissions d’ici 2035 de 50 à 55 % par rapport aux niveaux de 2005. Je me réjouis que le gouvernement ait fixé une cible, bien qu’avec un peu de retard, mais la cible de 45 à 50 % est inférieure à la recommandation du groupe consultatif. Le ministre Guilbeault a déclaré que la cible était ambitieuse, mais atteignable et souligne qu’il faudra une plus grande coopération entre les provinces pour obtenir des résultats concrets. Le Groupe consultatif pour la carboneutralité estime que des réductions d’émissions plus importantes sont à la fois nécessaires et réalisables. Sénateur Gold, comment le gouvernement travaille-t-il avec les provinces et les territoires pour assurer une plus grande collaboration et un plus grand engagement en vue d’atteindre notre nouvelle cible de réduction des émissions et nos objectifs climatiques généraux?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement a déjà pris des mesures ambitieuses pour lutter contre les changements climatiques et, comme vous l’avez fait remarquer, le gouvernement fédéral a choisi une cible qu’il jugeait ambitieuse, mais aussi atteignable, car, au bout du compte, le ministre et le gouvernement veulent être aussi ambitieux que le Canada peut l’être. Toutefois, comme vous l’avez souligné et comme nous le savons tous, le gouvernement fédéral ne peut tout simplement pas agir seul. Comme l’a dit le ministre, certaines provinces refusent de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques ou même de reconnaître que les changements climatiques sont un problème qu’il faut prendre au sérieux, compte tenu de leurs autres intérêts économiques. Cela dit, le gouvernement continuera à travailler avec les provinces pour s’attaquer à ce problème très grave.
La sénatrice Coyle : Je l’espère, car il est absolument essentiel que cette collaboration soit efficace pour le mieux-être du pays et de la planète. Merci, sénateur Gold.
Le Groupe consultatif pour la carboneutralité recommande d’adopter un budget national du carbone pour pouvoir suivre les émissions, établir des jalons et assurer la reddition de comptes. C’est ce que font le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et la France. Les budgets du carbone permettent d’établir un parcours clair vers la carboneutralité et de faire face aux variabilités inattendues. Le gouvernement va-t-il s’engager à mettre en œuvre un budget national du carbone afin d’atteindre sa nouvelle cible en matière d’émissions?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai déjà dit à la sénatrice, pour l’instant, il m’est impossible de m’engager à l’égard de nouveaux programmes ou de nouvelles promesses, mais je vais certainement porter cette importante question à l’attention du ministre.
Le patrimoine canadien
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
L’honorable Jim Quinn : Je pose la présente question au nom du sénateur Deacon, de la Nouvelle-Écosse, qui a dû s’absenter inopinément du Sénat.
Sénateur Gold, il y a un an, le CRTC a rendu une ordonnance obligeant Bell, TELUS et SaskTel à permettre à de plus petits concurrents d’acheter un accès à leur réseau de fibre optique à l’échelle nationale. La décision du CRTC, qui était appuyée par le Bureau de la concurrence, aurait amélioré la concurrence dans le marché des services Internet partout au Canada, mais surtout en Ontario et au Québec, où Bell, Rogers, Vidéotron et Cogeco dominent.
(1250)
Il semble que Bell ait présenté une demande au gouvernement à ce sujet au printemps dernier. Malheureusement, le Cabinet vient de bloquer la décision du CRTC qui est favorable à la concurrence. Par conséquent, les titulaires de licence dominants n’auront pas à offrir aux petits concurrents sur le marché la possibilité d’acheter un accès à leur infrastructure. Cette décision nuit à la concurrence, contredit la décision du CRTC, qui a été prise après 17 mois d’audiences publiques, et va à l’encontre de l’engagement pris par le gouvernement de faire baisser le prix des services de télécommunication pour les Canadiens.
Sénateur Gold, quelle était la justification du Cabinet?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur Quinn, et je remercie aussi le sénateur Deacon, qui, j’en suis sûr, souhaite également entendre ma réponse.
Je crois comprendre que cette décision est fondée sur le décret du gouverneur en conseil. Le gouvernement est préoccupé par les investissements futurs et actuels dans les infrastructures et les services à large bande en Ontario et au Québec, notamment dans les communautés rurales, éloignées et autochtones, et il craint que ces investissements, s’ils ne sont pas rentables, entraînent une baisse de la qualité et une restriction du choix des consommateurs sur le marché des services Internet de détail.
Par conséquent, le gouvernement a renvoyé la décision du CRTC à cet organisme pour qu’il réévalue, au plus tard 90 jours après la date à laquelle le décret a été émis, si Bell Canada, Rogers Communications Canada Inc., TELUS Communications Inc. et leurs entreprises affiliées doivent se voir interdire d’utiliser des services intégrés de fibre optique jusqu’au domicile en Ontario et au Québec, conformément aux tarifs approuvés par le CRTC.
Le sénateur Quinn : Sénateur Gold, l’année dernière, le ministre Champagne a invalidé la décision du Bureau de la concurrence et approuvé la vente par Rogers du service cellulaire de Shaw à Vidéotron moyennant une réduction de 1 milliard de dollars, une réduction que le conseil d’administration de Rogers n’aurait approuvée que s’il était certain qu’elle entraînerait une augmentation des revenus reposant sur une hausse des tarifs imposés aux consommateurs. Une fois de plus, la décision d’un expert a été annulée pour des raisons politiques. Pourquoi le gouvernement se montre-t-il si explicitement favorable aux grandes entreprises de télécommunications?
Le sénateur Gold : Merci, sénateur Quinn. Il ne s’agissait pas d’invalider la décision. Le gouvernement a simplement assumé ses responsabilités en matière de protection des consommateurs en demandant au CRTC de repenser sa décision.
Les finances
L’Énoncé économique de l’automne 2024
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le mandat du gouvernement néo-démocrate—libéral chaotique et incompétent doit prendre fin le plus rapidement possible. L’énoncé économique de l’automne indique que le gouvernement n’a pas l’intention d’équilibrer un jour le budget. Le garde-fou budgétaire, à savoir un déficit de 40 milliards de dollars, sera dépassé au cours du présent exercice et du prochain.
Quiconque pense que le déficit de l’année prochaine ne sera que de 48,3 milliards de dollars vit dans un monde fantaisiste, sénateur Cardozo.
Le premier ministre a laissé ce gâchis aux Canadiens hier, puis n’a absolument rien dit. En fait, après le dépôt de l’énoncé à la Chambre, pas un seul ministre n’a voulu en parler. C’est quoi ce leadership? Ils doivent tous partir, n’est-ce pas?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Monsieur le sénateur, vous passez 99 % de vos questions à faire un discours, puis vous vous contentez de me poser une question partisane à laquelle je ne répondrai pas. Ce que je vais dire, c’est qu’en ce qui concerne l’énoncé économique de l’automne, je suis heureux de prendre la parole et de fournir quelques faits au Sénat, car je pense qu’il est de ma responsabilité — de notre responsabilité — de les prendre en considération. Malgré l’augmentation des dépenses — et les postes budgétaires peuvent être lus et étudiés par tout le monde —, notre ratio dette-PIB continue de diminuer, et les déficits devraient passer de 1,6 % du PIB aujourd’hui à seulement 0,6 % dans quelques années à peine, ce qui contribuera à préserver notre cote de crédit AAA et à maintenir notre capacité à soutenir tout...
Son Honneur la Présidente : Merci, sénateur Gold.
Le sénateur Plett : Eh bien, après les prochaines élections, sénateur Gold, vous pourrez nous enseigner sur l’art de poser des questions quand vous poserez vos questions au leader du gouvernement.
Le déficit est hors de contrôle, sénateur Gold. Le coût de la vie est hors de contrôle, sénateur Gold. Notre système d’immigration est hors de contrôle, sénateur Gold. La frontière est hors de contrôle, sénateur Gold. La criminalité est hors de contrôle, sénateur Gold. Les Canadiens méritent mieux que ce chaos, n’est-ce pas, sénateur Gold? Quand les élections sur la taxe sur le carbone auront-elles lieu, sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Eh bien, je sais que nous avons tous les deux appris à l’école primaire comment faire la différence entre les phrases déclaratives et les questions, mais vous avez posé une question à la toute fin. Je ne sais pas quand les prochaines élections seront déclenchées. Pour l’instant, le gouvernement a la confiance de la Chambre des communes et, par conséquent, il demeure le gouvernement. Tant que le gouvernement restera au pouvoir, il va continuer de gouverner dans l’intérêt des Canadiens.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi de crédits no 4 pour 2024-2025
Troisième lecture
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-79, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je suis ravie d’intervenir en tant que marraine du projet de loi C-79, Loi de crédits no 4 pour 2024-2025, qui vise à faire approuver les dépenses décrites dans le Budget supplémentaire des dépenses (B).
Les projets de loi de crédits comme celui-ci sont un élément essentiel du cycle financier annuel du Parlement. Ils forment le mécanisme permettant d’approuver les fonds présentés dans les documents budgétaires et sont scrutés par les parlementaires. Une fois qu’ils ont été approuvés, les fonds sont versés aux ministères et aux agences afin que ces derniers puissent continuer à offrir les programmes et les services sur lesquels les Canadiens comptent.
Il y a quelques semaines, le 19 novembre, j’ai déposé le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025. Comme d’habitude, le budget des dépenses a ensuite été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour étude et rapport. Je remercie le comité de son travail.
Le budget, bien sûr, constitue le plan économique du gouvernement, mais il ne donne pas l’autorisation de dépenser des fonds. C’est pourquoi le budget des dépenses et les projets de loi de crédits connexes sont requis. Ils présentent les plans de dépenses pour chaque organisation fédérale et accordent les autorisations de dépenser.
Habituellement, le Budget principal des dépenses est préparé avant la présentation du budget, de sorte qu’il n’inclut pas les éléments annoncés dans le budget. Les Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C) sont ensuite déposés au cours de l’année, en y incluant les dépenses supplémentaires qui n’étaient pas suffisamment élaborées au moment du dépôt du Budget principal des dépenses ou qui ont été révisées depuis.
Je prendrai le temps qu’il me reste pour vous donner un aperçu des dépenses que le gouvernement nous demande d’approuver avec ce projet de loi.
Le Budget supplémentaire des dépenses (B) présente un total de 24,8 milliards de dollars en dépenses budgétaires supplémentaires, dont 21,6 milliards de dollars doivent faire l’objet d’un vote et 3,2 milliards de dollars sont des dépenses législatives prévues. Ces dépenses prévues procurent un soutien concret aux Canadiens de diverses façons et permettent de faire avancer le travail que le gouvernement accomplit au nom des Canadiens au pays et à l’étranger.
L’une des sommes les plus importantes, soit 955,2 millions de dollars, est destinée aux Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Ce financement permettra d’améliorer les services grâce auxquels les enfants peuvent être pris en charge dans leur communauté, ce qui suppose notamment d’améliorer l’accès à des logements sûrs et adéquats pour les enfants vivant dans les réserves.
En outre, 725 millions de dollars sont destinés à poursuivre la mise en œuvre du principe de Jordan, c’est-à-dire à fournir aux enfants des Premières Nations des produits et des services liés aux soins de santé et à l’éducation ainsi que d’autres mesures de soutien social.
Le budget des dépenses propose également un financement important pour les projets d’approvisionnement militaire afin que les forces armées disposent des ressources nécessaires pour protéger les Canadiens au pays et à l’étranger en cette période d’incertitude à l’échelle mondiale.
Ce financement comprend 659,1 millions de dollars pour le programme Formation du personnel navigant de l’avenir, qui forme des pilotes et d’autres membres d’équipage, notamment des officiers des systèmes de combat aérien et des opérateurs de détecteurs électroniques aéroportés; 561 millions de dollars pour l’achat d’aéronefs multimissions Poseidon; et 315,3 millions de dollars pour des navires de soutien interarmées, qui effectuent des tâches telles que le réapprovisionnement d’autres navires et le transport de marchandises à l’appui de missions de combat et de missions humanitaires.
Le budget des dépenses prévoit également 942,5 millions de dollars pour des programmes et des services destinés aux anciens combattants et à leurs familles. Les fonds supplémentaires sont nécessaires en raison d’une augmentation du nombre de demandes de prestations traitées ainsi que du nombre plus élevé que prévu d’anciens combattants qui optent pour un paiement forfaitaire au lieu de paiements mensuels.
Le budget des dépenses prévoit 800 millions de dollars pour rembourser aux provinces et aux territoires les coûts associés aux catastrophes naturelles. Ces fonds, offerts dans le cadre des Accords d’aide financière en cas de catastrophe, aident les provinces et les territoires lorsque les coûts d’intervention et de rétablissement dépassent ce qu’ils peuvent assumer seuls.
Le montant figurant dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) sera utilisé notamment pour rembourser les coûts liés aux inondations survenues en Colombie-Britannique en 2021, les coûts liés à l’ouragan Fiona survenu dans les provinces de l’Atlantique en 2022, ainsi que les coûts liés aux incendies de forêt qui ont eu lieu dans les Territoires du Nord-Ouest en 2023.
(1300)
Ce budget prévoit également 742,5 millions de dollars pour faire avancer le plan du gouvernement en matière de logement, qui vise à augmenter l’offre en réduisant les coûts de construction, à soutenir les Canadiens qui cherchent à louer ou à acheter un logement, et à construire davantage de logements abordables. Ces fonds seront versés à la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour financer les initiatives suivantes : le Programme de prêts pour la construction d’appartements, qui fournit des prêts à faible taux d’intérêt aux constructeurs de logements locatifs standards, d’appartements pour personnes âgées et de logements pour étudiants; le Fonds pour le logement abordable, qui appuie la construction et la réparation de logements communautaires, de refuges, de logements de transition et de logements supervisés; et le Fonds pour accélérer la construction de logements, qui encourage une construction plus rapide des logements, en mettant l’accent sur l’aménagement du territoire local et les approbations d’aménagement.
J’ai mis l’accent sur certains des postes budgétaires les plus importants du budget des dépenses, mais il y a aussi des postes plus petits qui auront une incidence considérable sur la vie des Canadiens. Par exemple, le budget prévoit 12 millions de dollars pour Futurpreneur Canada, un organisme national à but non lucratif qui aide les entrepreneurs en herbe de moins de 40 ans à lancer une nouvelle entreprise ou à en acheter une existante. Ce montant fait partie d’un investissement total de 60 millions de dollars prévus pour cet organisme dans le budget de 2024. Futurpreneur offre des prêts sans garantie, ainsi qu’un mentorat et un accès à un réseau de soutien composé de jeunes entrepreneurs et d’experts en affaires. Je suis encouragée par le fait que l’organisme suit et publie ses propres données démographiques, qui montrent que, en 2023-2024, 42 % des entreprises soutenues étaient dirigées par des femmes, 15 % avaient été fondées par des Noirs et 5 %, par des Autochtones.
Bien entendu, lorsqu’un jeune lance une nouvelle entreprise, il crée de nouveaux emplois et renforce la vitalité et la prospérité de sa collectivité. C’est là l’objet de ce budget des dépenses, du début à la fin : investir dans les collectivités canadiennes et dans le travail que les Canadiens accomplissent chez eux et à l’étranger pour renforcer notre sécurité, notre prospérité et notre capacité à prospérer ensemble.
Je vous invite à vous joindre à moi pour approuver les investissements proposés en adoptant le projet de loi C-79. Merci. Hiy hiy.
L’honorable Denise Batters : Sénatrice LaBoucane-Benson, je pense que votre discours a duré environ six minutes. On nous a dit de nous attendre à un discours d’au moins 20 minutes. Étant donné que nous parlons de 24 milliards de dollars, pouvez-vous nous donner plus de détails sur certains des principaux éléments dans la mesure à l’étude?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous remercie de votre question. Je serais ravie de vous donner des détails sur quoi que ce soit en particulier. Le livret du budget supplémentaire des dépenses (B) est très volumineux. Avez-vous une question précise, sénatrice?
La sénatrice Batters : Étant donné que vous n’avez pas prononcé de discours à l’étape de la deuxième lecture, car c’est la première fois que nous entendons le moindre détail sur ce projet de loi dans cette enceinte, j’aimerais avoir des détails et davantage de renseignements sur les dépenses militaires, par exemple. Je demandais des précisions sur les principales dépenses qu’englobent ce 24 milliards de dollars.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci pour la question. Les projets d’approvisionnement militaire, comme je l’ai mentionné, comprennent 659,1 millions de dollars pour le programme de formation du personnel navigant de l’avenir, 561 millions de dollars pour des aéronefs multimissions et 315,3 millions de dollars pour des navires de soutien interarmées. Ils comprennent également un soutien aux vétérans et à leurs familles à hauteur de 942,5 millions de dollars.
La sénatrice Batters : Oui, ce sont les montants exacts et les détails que vous avez lus dans votre discours. J’ai pris note de chacun d’entre eux. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur chacun de ces montants, s’il vous plaît?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Sénatrice, je vous remercie de votre question. Je n’ai pas le budget supplémentaire des dépenses (B) sous les yeux, mais je serais heureuse de fournir de plus amples informations à votre bureau, si vous le souhaitez.
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-79, qui découle de l’adoption du Budget supplémentaire des dépenses (B) 2024-2025. Pour ceux d’entre nous qui ne siègent pas au Comité des finances nationales ou qui ne sont pas des experts en matière de budgets, il est utile d’expliquer ce qu’est le budget supplémentaire des dépenses de même que son objectif. Je sais que la sénatrice LaBoucane-Benson vient d’en parler, mais je vais le répéter.
Comme on peut le lire sur le site Web du Conseil du Trésor :
Pour effectuer des dépenses, le gouvernement doit recevoir l’approbation du Parlement, soit par le biais d’une loi adoptée précédemment, soit sur une base annuelle par la présentation et l’adoption de projets de loi de crédits. Avant l’introduction de chaque projet de loi de crédits, la présidente du Conseil du Trésor dépose une publication du budget (principal ou supplémentaire) des dépenses au Parlement afin de fournir des renseignements et des détails sur les autorisations de dépenser demandées.
Alors que le [b]udget principal des dépenses donne un aperçu des besoins en matière de dépenses pour l’exercice financier à venir, les [b]udgets supplémentaires des dépenses présentent des renseignements sur les besoins relatifs aux dépenses qui n’étaient pas suffisamment étoffés lors de la préparation du [b]udget principal des dépenses ou qui ont été précisés après le dépôt de celui-ci pour tenir compte de l’évolution de certains programmes et services.
Dans ce contexte, honorables sénateurs, nous comprenons l’importance que revêtent le budget supplémentaire des dépenses et le projet de loi de crédits dont nous sommes saisis, car ils permettent de fournir ou de maintenir le financement de services et de programmes essentiels dont les Premières Nations sont forcées de dépendre, non pas de leur propre fait, mais parce que divers gouvernements n’ont pas honoré les traités, faisant ainsi croire aux Canadiens qu’il s’agissait d’aides sociales.
Je note que, selon le site Web du Conseil du Trésor, le Budget supplémentaire des dépenses dont nous sommes saisis présente des dépenses budgétaires supplémentaires d’un total de 24,8 milliards de dollars. Il prévoit des mesures budgétaires essentielles spécifiquement pour les Premières Nations. J’en souligne quelques-unes : 955,2 millions de dollars pour les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, 725 millions de dollars pour les services et les mesures de soutien en application du principe de Jordan pour les enfants des Premières Nations et 562,5 millions de dollars pour les services de santé non assurés à l’intention des Premières Nations et des Inuits. Chacun de ces programmes cible des aspects différents de l’accès aux soins et les lacunes que le gouvernement promet de combler depuis de nombreuses années.
Même si ces sommes réservées sont nécessaires pour continuer à résorber le déséquilibre en matière de santé et de services sociaux que les Premières Nations subissent toujours à l’échelle du Canada, je souhaite attirer l’attention sur un programme essentiel qui a été oublié dans ce document comme dans d’autres mesures budgétaires récentes. Il s’agit du programme Strengthening Families Maternal Child Health, qui est administré à l’échelle régionale par le Secrétariat à la santé et au développement social des Premières Nations du Manitoba. Je tiens à remercier le chef Derek Nepinak, le chef Sheldon Kent, Elizabeth Decaire et Stephanie Biswell, du Manitoba, pour leur travail, au sein de ce secrétariat, sur ce programme et d’autres dossiers critiques.
Chers collègues, nous devons affronter l’héritage affligeant du colonialisme pour les familles des Premières Nations. Les tombes anonymes des enfants des Premières Nations sont un rappel contemporain et glaçant de notre passé colonial, mais des injustices perdurent aujourd’hui : nos enfants continuent d’être emportés à une fréquence inacceptable par des causes en grande partie évitables. Le taux de mortalité infantile est trois fois plus élevé parmi les enfants des Premières Nations que parmi les enfants qui ne sont pas Autochtones. Au Manitoba, 81 % des nourrissons décédés pendant leur sommeil étaient Autochtones, étant donné que la « majorité des incidents se sont produits dans des régions défavorisées sur le plan socioéconomique, et 27 % [des décès] ont eu lieu dans des communautés des Premières Nations ». Je viens de citer le protecteur des enfants et des jeunes du Manitoba.
Honorables sénateurs, le système des pensionnats indiens a séparé les familles, ce qui a sapé les pratiques parentales traditionnelles pendant des générations, privant de ce fait les membres des Premières Nations des compétences nécessaires pour être parent. Je le sais, car je l’ai vécu. Il faut donner aux communautés les moyens non seulement de prendre en main la réappropriation de ces compétences perdues, mais aussi de se pardonner d’avoir laissé une telle atrocité frapper leurs familles, leurs groupes et leurs territoires. Cependant, c’était là l’essence même de l’assimilation. Pour apporter une contribution aussi constructive que significative, le gouvernement doit s’engager, à la lumière de sa conscientisation aux répercussions de l’assimilation sur notre rôle dans ce pays, à pérenniser un financement viable afin de garantir le succès des communautés.
Le programme Strengthening Families Maternal Child Health aide à rétablir les connaissances parentales essentielles qui ont été perdues à cause des politiques colonialistes. Cependant, le sous-investissement du gouvernement fait continuellement obstacle au succès de ses efforts, et je constate que le projet de loi de crédits qui nous est présenté, ainsi que le budget supplémentaire des dépenses (B), ne fournissent pas le financement dont ce programme a tant besoin pour continuer à prospérer. Le rétablissement des liens mère-enfant est essentiel à l’autodétermination.
(1310)
Chers collègues, ce programme de santé maternelle et infantile a fait l’objet d’un avis de caducité en 2014, mais il a été sauvé grâce aux efforts de l’ancien grand chef Nepinak et de la députée Niki Ashton. Bien qu’il ait été étendu à 34 communautés en 2023-2024, il manquait 186 281 $ à son financement. Néanmoins, pour l’exercice en cours, le financement a encore été réduit, ce qui laisse un manque à gagner de 368 562 $.
Le programme de santé maternelle continue à fournir de l’aide dans 34 communautés des Premières Nations au Manitoba. Bien qu’elles aient montré qu’elles étaient prêtes, 29 autres communautés des Premières Nations n’ont toujours pas accès au financement communautaire nécessaire à la mise en œuvre du programme. Plutôt, on leur conseille de soumettre des propositions au titre du financement associé au principe de Jordan, ce qui prouve que le gouvernement ne comprend pas le créneau unique qu’occupe le programme de santé maternelle et infantile, sans compter que le financement des priorités prévues par le principe de Jordan s’en trouve réduit.
En l’absence du financement nécessaire pour y remédier avec succès, les mauvais résultats en matière de santé et les morbidités évitables qui affligent les enfants et les mères des Premières Nations continuent également de s’envenimer. Les enfants des Premières Nations présentent le taux le plus élevé de diabète de type 2 dans le monde. Les taux de prise en charge par les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations demeurent disproportionnellement élevés. Au Manitoba :
Les nouveau-nés des Premières Nations sont :
6,5 [fois] plus susceptibles d’être retirés de la résidence de leurs parents biologiques
7,7 [fois] plus susceptibles de devenir des pupilles permanents de l’État avant l’âge de 5 ans
5,6 fois plus susceptibles d’être pris en charge à la naissance.
La dépression post-partum frappe davantage les femmes des Premières Nations que les autres femmes, car 12,9 % d’entre elles souffrent de dépression post-partum, comparativement à 5,6 % des femmes non autochtones.
Même si les données présentent malheureusement la réalité des mauvais résultats en matière de santé et de mortalité prématurée parmi les Premières Nations, cela a des origines coloniales. Les données n’indiquent pas que, si nos enfants tombent malades et meurent et que nos mères souffrent en silence davantage que les autres Canadiens, c’est à cause des systèmes, des politiques et des programmes en place, qui sont la cause directe de cette réalité. Cela fait longtemps que les Premières Nations sont reléguées à des environnements vulnérables à cause notamment des pensionnats autochtones, des réserves qui ne représentent qu’une fraction de leur territoire ancestral ou des enfants des Premières Nations qui sont retirés de leur foyer. Historiquement, les Premières Nations n’ont jamais reçu de soins de santé appropriés. Les effets cumulés de la vie sous ces innombrables structures coloniales et leurs incidences sont à la source des données actuelles, mais ces effets cumulés des vulnérabilités imposées aux Premières Nations ne sont pas exprimés adéquatement dans les données elles-mêmes.
Honorables sénateurs, la peur et l’appréhension des Premières Nations qui découlent de leur vécu dans le contexte du racisme anti‑autochtone les empêchent souvent de recevoir une éducation adéquate ainsi que le soutien approprié dans les établissements médicaux, ce qui cause des lacunes importantes dans les hôpitaux, les cliniques, les postes de soins infirmiers et les centres de soins de santé. Le programme de soins de santé maternelle et infantile est un exemple de programme communautaire qui est primordial pour combler ces lacunes et veiller à ce que les nourrissons vulnérables soient évalués et qu’ils reçoivent les soins essentiels. La confiance, un déterminant de la santé essentiel, prend racine dans les initiatives adaptées à la culture et menées par les communautés.
Que fait ce programme? Ce programme apporte des résultats positifs, y compris la réduction du nombre d’enfants étant confiés aux services à l’enfance et à la famille; la participation accrue des pères; l’amélioration des taux de vaccination et d’allaitement; la réduction des cas de dépression post-partum; et l’amélioration des aptitudes et de la résilience des familles. Le programme offre également de la formation aux doulas des Premières Nations pour renforcer la capacité des communautés à rétablir les cérémonies de naissance. La cérémonie de naissance a été retirée des communautés et remplacée par un processus médical. Par conséquent, les femmes, porteuses de la création et sages-femmes, ont été contraintes par le gouvernement fédéral, sur l’avis des médecins, de ne plus remplir leurs rôles traditionnels.
Dans le cadre de ce programme, un guide visant à réduire les hauts taux de mortalité infantile, intitulé Honouring our Babies : Safe Sleep Cards and Facilitator’s Guide, a récemment été publié avec la collaboration des Premières Nations. Ce guide accroît la sensibilisation sur les défis uniques comme les poêles au bois, le surpeuplement et la sécurité des surfaces de sommeil. Cependant, l’élaboration d’autres outils est retardée en raison d’un financement insuffisant, comme le Traditional Parenting Manual, un guide sur la parentalité traditionnelle, et le Breastfeeding Wellness Teachings for Mothers, Families and Communities, un guide élargi sur l’allaitement.
Chers collègues, le programme de santé maternelle et infantile offre depuis plus de 18 ans un soutien à la santé et à la parentalité qui est culturellement adapté. Il est guidé par un cadre autochtone qui prévoit une collaboration avec les aînés, les familles, les jeunes, les dirigeants et les conseils consultatifs pour discuter, comprendre et aborder les questions relatives à la santé, à la sécurité et à la nutrition des enfants, aux pratiques parentales et aux soins prénataux, au renforcement des relations au sein des familles et des communautés, au soutien en matière de santé mentale, aux pratiques linguistiques et culturelles, à une communication efficace et au développement de la littératie.
Cependant, le soutien régional offert par le programme de santé maternelle et infantile pour des familles plus fortes est compromis par des retards opérationnels attribuables à l’insuffisance des ressources. Alors que les réunions sont généralement organisées quatre fois par an pour renforcer les enseignements, elles n’ont plus lieu qu’une fois par an. Des activités clés, notamment l’assurance de la qualité, les visites de soutien par les pairs, la formation et la distribution de ressources, subissent des retards importants, ce qui nuit à l’efficacité de l’ensemble du programme.
En conclusion, honorables sénateurs, avec les pensionnats, la rafle des années 1960 et les externats, le gouvernement a rompu les liens qui nous unissent en tant que parents autochtones dans l’exercice de nos fonctions parentales. Cette rupture a des répercussions sur l’avenir de notre nation. Le programme de santé maternelle et infantile témoigne du pouvoir des solutions communautaires dans la lutte contre les disparités systémiques en matière de santé en honorant les traditions culturelles des Premières Nations.
Avec un financement et un soutien adéquats et à long terme, nous pouvons mettre fin au cycle des problèmes de santé et des décès évitables et bâtir un avenir plus sain et plus équitable pour les enfants et les familles des Premières Nations. Il ne suffit pas de déplorer le manque de financement. Il faut répondre à cet appel à l’action pour promouvoir la justice, favoriser la réconciliation et assurer la survie des enfants vulnérables en finançant ce genre de programmes essentiels qui sauvent des vies. L’éducation et l’apprentissage continu commencent à la maison, et on devrait saisir toutes les occasions d’assurer la réussite de ce programme de santé maternelle et infantile afin de soutenir l’apprentissage selon une approche adaptée à la culture.
Kinanâskomitinowow. Merci.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, j’ai récemment eu le grand plaisir de rencontrer le chef Derek Nepinak du Manitoba et d’autres dirigeants des Premières Nations lors de la rencontre hivernale de l’Assemblée des Premières Nations, qui s’est tenue ici même, à Ottawa, afin de discuter de questions cruciales entourant le financement des initiatives de santé maternelle et infantile des Premières Nations. Je tiens à saluer et à remercier le First Nations Health and Social Secretariat of Manitoba de son travail exceptionnel et des services qu’il offre aux familles des Premières Nations du Manitoba. Je tiens également à souligner que je suis une sénatrice indépendante du Manitoba, plus précisément du territoire du Traité no 1 et de la patrie des Métis de la Rivière-Rouge.
(1320)
Au Manitoba, depuis plus de 18 ans, le programme de soins de santé maternelle et infantile fournit un soutien adapté à la culture en matière de santé et de rôle parental, guidé par un cadre des Premières Nations qui repose sur la collaboration avec les aînés, les familles, les jeunes, les dirigeants et les conseils consultatifs.
Le programme de soins de santé maternelle et infantile est conçu pour soutenir et favoriser le bien-être global des enfants et des familles grâce à des relations axées sur les forces qui tirent parti de ressources actuelles fondées sur des données probantes et de pratiques traditionnelles reposant sur les connaissances de la communauté, en mettant l’accent sur la santé, la sécurité et la nutrition des enfants, les pratiques parentales et les soins prénataux, le renforcement des relations au sein des familles et des communautés, le soutien en santé mentale, les pratiques linguistiques et culturelles, la communication efficace, et le développement de la littératie.
La période qui va de la conception à l’âge de 6 ans est la plus déterminante pour le développement du cerveau, le comportement et la santé. Les effets de la santé maternelle pendant la grossesse ainsi que les expériences dans les six premières années de l’enfance déterminent le développement du cerveau à vie. De plus, l’amélioration des connaissances des jeunes adultes concernant la période qui précède la conception et la santé reproductive aide à promouvoir un bon début de grossesse.
Depuis sa création, le programme de soins de santé maternelle et infantile a donné des résultats concrets et tangibles et a amélioré la vie des enfants, des mères et des familles des Premières Nations. Ces réalisations clés comprennent la réduction des taux de mortalité infantile; la réduction du nombre d’enfants devant avoir recours aux services à l’enfance et à la famille, principalement grâce à la création d’espaces de soutien communautaires en dehors des services à l’enfance et à la famille permettant aux familles en crise d’être orientées vers une stratégie de première ligne visant à les consolider et à les garder intactes; l’augmentation de l’implication des pères et du sentiment d’appartenance; l’amélioration de la résilience des familles; et le renforcement des liens entre parents et enfants. Grâce à ce programme, davantage de familles restent unies.
Malheureusement, la question de la santé maternelle et infantile est manifestement absente du budget de 2024, de la mise à jour économique d’hier et d’autres indicateurs financiers et priorités du gouvernement en matière d’investissement, comme en témoignent les projets de loi de crédits tels que celui que nous étudions, le projet de loi C-79. Malgré des résultats quantifiables et l’amélioration des conditions de vie obtenus grâce à ce programme, ces progrès sont menacés en raison d’un sous-financement chronique.
Le chef Nepinak et les dirigeants que nous avons rencontrés nous ont donné des exemples très convaincants. Le programme fonctionne essentiellement avec le même budget depuis 2013, malgré l’élargissement de ses activités, qui ciblent un nombre croissant de communautés des Premières Nations au-delà des 14 initiales.
Les efforts précédents visant à éliminer le financement du programme au moyen de dispositions de caducité n’ont pu être contrés que grâce aux arguments solides avancés par l’ex-grand chef Nepinak. Bien que le programme ait été étendu à 34 communautés en 2023-2024, il manquait plus de 180 000 $ de financement. Le financement a encore été réduit pour le présent exercice, laissant un manque à gagner de plus de 360 000 $.
Même si elles ont démontré qu’elles étaient prêtes, 29 communautés des Premières Nations n’ont toujours pas accès à du financement communautaire. Même les propositions de financement soumises au gouvernement fédéral en vertu du principe de Jordan, qui a pour mandat de répondre aux besoins non satisfaits des enfants des Premières Nations, peu importe où ils vivent au Canada, ont été refusées jusqu’à présent. Le sous-financement de ce programme de santé efficace aura des conséquences immédiates et générationnelles pour les Premières Nations et pour l’ensemble de la nation canadienne.
Le Manitoba affiche l’un des taux les plus élevés d’enfants des Premières Nations pris en charge par les Services à l’enfance et à la famille. Il est choquant de constater que plus de 90 % des enfants pris en charge sont autochtones. Ce sont des chiffres disproportionnés.
Au Manitoba :
Les nouveau-nés des Premières Nations sont 6,5 fois plus susceptibles d’être retirés à leurs parents biologiques, 7,7 fois plus susceptibles de devenir des pupilles permanents de l’État avant l’âge de 5 ans, et 5,6 fois plus susceptibles d’être pris en charge à la naissance.
Les parents des Premières Nations se voient fréquemment retirer leurs droits parentaux, alors qu’ils n’ont pas eu accès à du soutien préventif ou à des ressources culturellement pertinentes pour affronter les problèmes systémiques qui se dressent sur leur chemin. Comme nous le savons, les Premières Nations sont surreprésentées dans le système pénal, en grande partie à cause des politiques coloniales. Cela creuse encore davantage le fossé des inégalités dans le domaine de la santé pour les Premières Nations par rapport à la population générale. Les études sont concluantes :
Les enfants nés de mères incarcérées courent un risque plus élevé de souffrir de problèmes de santé à long terme [...] Ces influences négatives peuvent augmenter la probabilité que l’enfant connaisse également l’incarcération, perpétuant ainsi un cycle de désavantages sur plusieurs générations.
Ces injustices soulignent le besoin urgent de programmes communautaires en amont qui autonomisent les familles et préviennent la prise en charge inutile d’enfants. Le sous-financement ralentit également la création et la distribution de matériel de formation communautaire sur la santé maternelle, comme des guides sur le sommeil sécuritaire, des manuels sur les méthodes parentales traditionnelles ou des guides sur l’allaitement destinés aux membres des Premières Nations, de même que la création et l’offre de programmes de formation et de soutien dont l’incidence positive sur la santé a été prouvée.
Le programme de soins de santé maternelle et infantile constitue une initiative cruciale visant à éliminer ces écarts et à offrir aux familles les ressources dont elles ont besoin pour demeurer en santé et unies.
Honorables sénateurs, le Strengthening Families Maternal Child Health Program travaille à offrir un soutien parental adapté à la culture, notamment à l’égard de techniques parentales traditionnelles, et fournit aux familles l’aide dont elles ont besoin à un moment crucial : le début de la vie de leur enfant.
On ne doit pas sous-estimer la valeur d’un véritable soutien accessible qui repose sur la confiance. De tels programmes améliorent considérablement la capacité des familles de demeurer unies, favorisent des communautés plus saines et plus résilientes et contribuent à une démocratie plus résiliente et plus inclusive au Canada.
Tandis que le gouvernement se concentre sur ses priorités financières, j’exhorte les sénateurs à attirer l’attention sur l’aide cruciale que fournit le Strengthening Families Maternal Child Health Program, notamment la prestation de services relatifs au principe de Jordan et l’exercice de pressions auprès du gouvernement afin qu’il augmente le financement des mesures de soutien régionales et qu’il étende les activités du programme à toutes les communautés participantes.
Je tiens à souligner que Landon, agent de liaison jeunesse pour le Manitoba et élève de 12e année, m’a accompagnée il y a quelques semaines pour visiter le bureau consacré au principe de Jordan à l’Assemblée des chefs du Manitoba. Nous avons passé un après-midi avec le personnel. Nous avons rencontré des parents et des familles qui étaient là pour obtenir des services. Il ne fait aucun doute, premièrement, que le principe de Jordan est inscrit dans la loi et, deuxièmement, que le gouvernement fédéral ne tient pas sa promesse. Les programmes relatifs au principe de Jordan font l’objet de retards et sont sous-financés et c’est aussi le cas des nombreux autres programmes dont j’ai parlé dans mon discours d’aujourd’hui.
C’est l’occasion pour nous, en tant que sénateurs, d’intervenir et d’honorer la mémoire du petit Jordan River Anderson de la nation crie de Norway House, qui est mort parce que les différents pouvoirs publics ont refusé de faire de sa survie leur priorité et se sont plutôt disputés pour établir qui allait régler la facture. Nous connaîtrons probablement des situations similaires si nous ne parvenons pas à résoudre le problème du sous-financement et à améliorer la coordination du financement désespérément nécessaire et entièrement justifié des programmes de santé maternelle et infantile destinés aux familles et aux enfants des Premières Nations.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.
L’honorable Andrew Cardozo : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Le sénateur Cardozo : Merci, sénatrice McPhedran.
Au cours des dernières minutes, vous et la sénatrice McCallum avez parlé du financement à long terme des communautés pour les familles, les prestations de maternité et les prestations pour enfants.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de passer en revue le Budget supplémentaire des dépenses — le document le plus passionnant jamais déposé au Sénat — et de nous en parler.
(1330)
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’importance du financement à long terme et nous expliquer pourquoi il est inexistant et pourquoi il est important qu’il y en ait un?
La sénatrice McPhedran : Merci. J’aimerais vraiment que nous puissions expliquer pourquoi il y a un sous-financement chronique. De toute évidence, il s’agit de promesses non tenues. Le sous-financement chronique signifie non seulement que les programmes existants ne peuvent pas être maintenus adéquatement, mais aussi que les programmes qui doivent être mis en œuvre et qui sont prêts à l’être ne peuvent même pas commencer.
Les statistiques sont très claires. Nous sommes très en retard par rapport aux objectifs convenus en ce qui concerne les services aux Premières Nations et, par conséquent, la prestation de mesures pour améliorer la santé et la capacité des enfants, sans oublier, selon le principe de Jordan, les soins de santé absolument essentiels dont les enfants en situation de crise ont besoin. C’est l’idée qui sous-tend le principe de Jordan.
Le fait que nous constatons ce sous-financement chronique, y compris dans ce projet de loi, nous rappelle que la réconciliation ne se résume pas à des mots. La réconciliation, c’est agir et donner suite à des promesses qui, à l’heure actuelle, ne sont pas tenues.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie. Je suis un peu perplexe. Nous avons étudié le processus de l’accord signé entre le gouvernement du Canada et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, dirigée par Cindy Blackstock. Par la suite, l’Assemblée des Premières Nations a rejeté cet accord. Toutefois, cet élément mis à part, n’avons-nous pas réglé cette question de façon appropriée? Sommes-nous encore dans l’erreur en ce qui concerne le niveau de financement?
La sénatrice McPhedran : Oui, nous sommes toujours à la traîne, oui, nous continuons à commettre l’erreur et oui, les enfants des Premières Nations et leur famille continuent à souffrir à cause de cette inaction.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous poursuivons le débat.
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi C-79, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025.
Je formulerai certaines observations sur ce que nous avons entendu au comité et je vous ferai part de mes préoccupations, mais avant toute chose, je ne peux commencer cette intervention portant sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) sans dire quelques mots sur les événements d’hier.
Je fais évidemment référence à la démission de la ministre des Finances à quelques heures du dépôt de la mise à jour économique. C’est du jamais-vu. En soi, cette démission a été une véritable bombe politique, mais la lettre de démission de Mme Freeland est révélatrice du style de gouvernance du premier ministre.
À l’évidence, Mme Freeland n’était plus à l’aise dans son rôle de faire-valoir et elle a eu le courage de mettre son pied à terre; peut-être un peu trop tard, diront certains. N’a-t-elle pas elle-même signé à l’encre rouge les derniers budgets du gouvernement?
Dans sa lettre de démission, elle a écrit quelques phrases qui en disent long :
Au cours des dernières semaines, nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada. [...]
Il faut préserver notre capacité fiscale aujourd’hui, pour que nous puissions disposer des réserves dont nous pourrions avoir besoin lors d’une guerre tarifaire. Il faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre et qui font douter les Canadiens que nous reconnaissons à quel point ce moment est grave.
Je sais que les Canadiennes et Canadiens reconnaîtraient et respecteraient une telle approche. Ils savent quand nous travaillons pour eux et ils savent quand nous nous concentrons sur nous-mêmes.
Chers collègues, lorsque nous affirmons que le premier ministre a perdu le contrôle, la crise qui gronde aujourd’hui au sein du gouvernement n’en est que la plus éloquente démonstration. Cependant, revenons maintenant sur l’étude que nous avons faite du Budget supplémentaire des dépenses (B).
Dans le cadre de notre étude au Comité des finances nationales, nous avons évidemment discuté du déficit anticipé. Nous ne pouvions que spéculer, car l’énoncé économique n’avait pas encore été déposé, tout comme les Comptes publics du Canada. Je reviendrai un peu plus tard sur cet aspect des choses.
Donc, en ce qui a trait au déficit, M. Giroux, directeur parlementaire du budget, a déclaré au Comité des finances qu’il s’attendait toujours à ce que le déficit de l’année dernière s’élève à près de 47 milliards de dollars. Il a toutefois précisé qu’il ne disposait pas d’informations privilégiées sur les belles surprises que le gouvernement pourrait nous réserver pour réduire ce déficit. Vous en conviendrez : la surprise d’hier fut de taille.
À titre d’exemple, il se peut que certaines réclamations contre le gouvernement aient été réduites ou qu’une partie de l’excédent de la pension de la fonction publique soit utilisée pour réduire le déficit de l’année dernière.
Quoi qu’il en soit, le déficit de 47 milliards de dollars estimé en ce moment par le directeur parlementaire du budget pour l’année dernière est supérieur au déficit de 40 milliards de dollars indiqué dans le budget d’avril.
Le déficit estimé pour cette année, comme l’indique le budget, est de 39,8 milliards de dollars. Le directeur parlementaire du budget a toutefois affirmé en octobre dernier que le déficit pour l’année en cours devrait se situer autour de 46 milliards de dollars. Cependant, l’annonce du congé de TPS et TVH aura pour effet de faire gonfler le déficit. Le directeur parlementaire du budget est donc très près de la réalité, si l’on se fie aux chiffres de l’énoncé économique déposé à l’autre endroit hier.
De surcroît, en 2024-2025, le gouvernement a estimé à 6,9 milliards de dollars les recettes supplémentaires résultant des changements apportés à l’impôt sur les gains en capital, mais le Parlement doit encore approuver cette hausse d’impôt. Si ces recettes de 6,9 milliards de dollars ne sont pas perçues au cours de l’exercice, le déficit s’en ressentira.
Voilà ce que je me préparais à vous dire à ce sujet avant la journée d’hier, mais cette fameuse mise à jour de l’énoncé économique a finalement été déposée à la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, ce qui s’est passé hier à l’autre endroit au moment du dépôt de l’Énoncé économique de l’automne 2024 est tout simplement scandaleux. Le gouvernement, par le biais de sa leader aux Communes, a déposé l’énoncé économique, puis tous les ministres, sans exception, ont quitté leur siège, de telle sorte qu’aucun député de l’opposition n’a pu poser une seule question au gouvernement. Le gouvernement Trudeau a fait un véritable gâchis à l’autre endroit et s’est sauvé en courant sans répondre de sa mauvaise gestion aux parlementaires et aux Canadiens. Il fuit la réalité puisque, lorsqu’on prend connaissance de l’énoncé économique et des déficits de l’an dernier, ainsi que du déficit anticipé cette année, on comprend mieux la gêne de ce gouvernement et son manque de transparence.
Pensez-y : 62 milliards. C’est le déficit connu pour l’année 2023-2024. Ce montant de 62 milliards représente 22 milliards de dollars de plus que ce qu’avait promis l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland dans son dernier budget déposé en avril, soit il y a huit mois seulement. C’est un écart de 50 % par rapport aux prévisions d’avril. C’est énorme. N’importe quel directeur financier qui commettrait de telles erreurs se ferait montrer la porte illico presto.
On parle maintenant d’un déficit appréhendé de 48,3 milliards de dollars pour l’exercice financier 2024-2025. Encore une fois, il s’agit d’une somme supérieure aux 39 milliards de dollars qui avaient été annoncés dans le dernier budget, comme l’indiquait le ministère des Finances dans l’énoncé économique dévoilé lundi. C’est un dérapage sur toute la ligne et c’est hautement préoccupant.
Selon Robert Asselin, premier vice-président du Conseil canadien des affaires et ancien proche collaborateur de l’ex-ministre des Finances Bill Morneau, le gouvernement Trudeau a perdu le contrôle des finances publiques. M. Asselin a dit ceci :
Le problème, c’est qu’ils sont déjà à 60 milliards de dollars de déficit au moment où les nuages noirs apparaissent : menace des tarifs américains, la nécessité d’investir en défense et le Canada qui flirte avec une récession.
À toutes fins utiles, ce gouvernement a perdu le contrôle des dépenses publiques.
(1340)
Maintenant, abordons plus directement le projet de loi C-79. Ce projet de loi, le quatrième projet de loi de crédits pour l’exercice en cours, demande de faire approuver par le Parlement des dépenses supplémentaires de l’ordre de 21,6 milliards de dollars.
Cette demande s’appuie sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui énonce l’objectif des nouvelles dépenses de 21,6 milliards de dollars. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit également une augmentation des dépenses statutaires de 3,2 milliards de dollars qui ont déjà été approuvées par d’autres lois.
Si l’on inclut ces dépenses du budget supplémentaire, s’élevant à 21,6 milliards de dollars, le total des autorisations de dépenser proposées depuis le début de l’année passe à 487,4 milliards de dollars, soit 5,2 milliards de moins, si l’on compare les autorisations de dépenser cette année à ce jour avec celles de l’année dernière au même moment.
Toutefois, il ne faut pas s’imaginer que cette diminution de 5,2 milliards de dollars signifie que les dépenses seront moins élevées cette année que l’an dernier. Le gouvernement continue d’indiquer que les dépenses pour cette année s’élèveront à 534,6 milliards de dollars, ce qui était le montant prévu dans le budget d’avril. Avec ce que l’on sait maintenant, peut-on vraiment avoir confiance dans ces prévisions?
En outre, de nouvelles initiatives en matière de dépenses augmenteront encore les prévisions de dépenses cette année. Le gouvernement n’avait pas encore publié les états financiers de l’année dernière, de sorte que nous ne disposions pas d’un chiffre de dépenses fiable pour cette période avec lequel nous pourrions comparer les prévisions de dépenses de cette année.
Le fait que les Comptes publics du Canada n’aient été déposés qu’aujourd’hui, le 17 décembre, est inadmissible. Comme je l’ai mentionné précédemment, la date pour la mise à jour économique, qui est à la limite de l’automne, témoigne d’un manque de transparence qui empêche les parlementaires d’examiner la mise à jour à temps pour adopter les crédits.
En fait, si nous comparons les autorisations de dépenser de l’année dernière avec celles de cette année, nous constatons que toutes les catégories d’autorisations de dépenser ont augmenté, à l’exception des « services publics », qui ont connu une diminution de 2,4 milliards de dollars.
De manière surprenante — ou peut-être sans surprise, diront certains —, le poste « Services professionnels et spéciaux » indique une augmentation des autorisations de dépenser de 1,1 milliard de dollars.
D’ailleurs, une des observations que l’on a envisagé d’ajouter au rapport du Comité des finances nationales mentionnait que, dans le cas des effectifs fédéraux et des contrats pour des services professionnels, la taille des effectifs fédéraux était passée de 368 165 employés (équivalents temps plein) en 2018-2019 à 431 698 en 2022-2023, ce qui représente une augmentation de 17,3 %.
En 2021-2022, le gouvernement fédéral a également dépensé une somme estimée à 3 milliards de dollars en contrats pour des services professionnels, soit une augmentation de 5,8 %. Nous sommes également au courant de l’initiative du gouvernement visant à revoir certaines dépenses.
Chers collègues, avec la mise à jour présentée hier, on comprend que, pour ce gouvernement, le verbe « recentrer » est synonyme d’« augmenter ». La plus récente mesure adoptée, soit celle d’un congé de TPS pour deux mois, en est un bel exemple : il s’agit là de 1,5 à 2,7 milliards de dollars de plus sur un manque à gagner qui est financé par la dette, une mesure très discutable dont la pertinence est très loin d’avoir convaincu les experts. Même les experts du ministère des Finances s’y sont opposés, nous a appris le Globe and Mail la semaine dernière.
Les hauts fonctionnaires du Parlement sont des entités indépendantes qui relèvent directement du Parlement, et non du gouvernement ou d’un ministre fédéral. Ils exercent des fonctions qui leur sont confiées en vertu de lois bien précises et ils rendent compte à l’une ou aux deux Chambres du Parlement.
Il y a neuf hauts fonctionnaires au Parlement : le vérificateur général du Canada, le directeur général des élections, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’information du Canada, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le commissaire au lobbying, le commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada et le directeur parlementaire du budget.
Les mécanismes de financement diffèrent d’un haut fonctionnaire du Parlement à l’autre : certains obtiennent l’approbation directement du Parlement, tandis que d’autres doivent la demander par l’intermédiaire des ministères. Cette dernière approche risque de compromettre leur indépendance ou, du moins, de donner l’impression que celle-ci est compromise.
Comme l’illustre le témoignage de la commissaire à l’information devant le comité, et je cite :
Bien que je sois une agente indépendante du Parlement, je ne peux présenter une demande de financement directement au Parlement.
Lorsque le Commissariat a besoin d’un financement supplémentaire, je suis obligée de présenter ma demande au ministre de la Justice, qui a ses propres priorités et qui peut ou non soumettre ma demande à la ministre des Finances et, ultimement, à l’approbation du Conseil du Trésor.
Ce processus fastidieux m’oblige à solliciter des fonds auprès des mêmes institutions sur lesquelles je mène des enquêtes. En toute franchise, cela ne reflète aucunement mon indépendance.
Cette déclaration de la commissaire à l’information est hautement préoccupante. Si nous voulons des agents du Parlement vraiment indépendants du gouvernement afin de préserver leur objectivité et leur indépendance, il est crucial que l’on révise le processus d’approbation des budgets de ces entités. La question se pose donc : le gouvernement actuel souhaite-t-il avoir des agents du Parlement vraiment indépendants et efficaces?
A contrario, d’autres hauts fonctionnaires du Parlement, comme le directeur général des élections, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et le directeur parlementaire du budget, bénéficient de mécanismes de financement indépendants intégrés dans leur loi habilitante, ce qui renforce leur autonomie. C’est ce qui devrait être la norme. Je crois donc qu’il est fondamental de revoir le modèle de financement des hauts fonctionnaires du Parlement qui ne reçoivent pas de fonds directement du Parlement, afin de mieux soutenir leur capacité à remplir leur mandat de façon indépendante et efficace, ce qui améliorera la transparence et renforcera la confiance du public à l’égard des institutions du Canada.
Par contre, quand on voit de quelle manière le gouvernement a présenté l’énoncé économique d’hier, on peut conclure qu’il ne semble absolument pas intéressé par une réelle transparence gouvernementale, et c’est très préoccupant.
Maintenant, je voudrais faire quelques remarques au sujet des dépenses de certains ministères.
Premièrement, je vais parler du ministère de la Défense nationale.
Ce ministère demande des crédits supplémentaires de 3,3 milliards de dollars, dont 1,7 milliard de dollars sont destinés aux biens d’équipement.
Comme le savent les honorables sénateurs, le gouvernement est sous pression pour augmenter les dépenses militaires afin d’atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN. Malheureusement, ce retard du Canada dans l’atteinte de cette cible discrédite le pays sur la scène internationale.
En juillet de cette année, le gouvernement s’est engagé à atteindre cet objectif de 2 % d’ici 2032-2033.
La nouvelle politique de défense indique que les dépenses militaires atteindront 1,76 % du PIB d’ici 2029-2030, mais un rapport du directeur parlementaire du budget publié récemment contredit cette affirmation en indiquant que les dépenses militaires n’atteindront que 1,58 % du PIB d’ici 2029-2030.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement n’a pas encore fourni de feuille de route sur la manière dont il augmentera les dépenses pour atteindre la cible de 2 %.
Lorsque ce projet de loi sera approuvé, le ministère de la Défense nationale sera autorisé à dépenser 34,6 milliards de dollars, ce qui est nettement supérieur aux 29 milliards de dollars approuvés à la même époque l’an dernier.
L’élément le plus notable est la hausse du financement des biens d’équipement, qui était de 6 milliards de dollars l’an dernier, comparativement à 9 milliards de dollars jusqu’à présent cette année. Bien que l’augmentation du financement soit un bon signe, il convient de noter que le ministère de la Défense nationale a un triste bilan pour ce qui est de dépenser les fonds qui lui sont alloués, particulièrement en ce qui a trait aux dépenses en capital en raison du lourd système d’approvisionnement.
Par exemple, en 2020-2021, le ministère a dépensé 5 milliards de dollars sur les 5,8 milliards de dollars approuvés; en 2021-2022, il a dépensé 4,6 milliards de dollars sur les 5,8 milliards de dollars approuvés; enfin, en 2022-2023, il a dépensé 4,9 milliards de dollars sur les 5,9 milliards de dollars approuvés.
(1350)
Le gouvernement n’avait pas encore communiqué les dépenses pour 2023-2024, de sorte que nous ignorons pour le moment la part des 7,2 milliards de dollars qui a été approuvée et qui a effectivement été dépensée. De toute façon, le gouvernement doit encore fournir une feuille de route pour indiquer comment il atteindra cet objectif de 2 % d’ici 2032-2033. Nombreux sont ceux et celles qui craignent les répercussions que le « recentrage des dépenses publiques » du gouvernement aura sur le ministère de la Défense nationale.
À la période des questions au Sénat, le 7 novembre dernier, on a interrogé le ministre Blair sur les coupes budgétaires imminentes dans son ministère. Il a répondu qu’aucune des réductions n’aura d’incidence sur les opérations, l’entraînement ou le soutien offerts aux membres des Forces armées canadiennes. Néanmoins, la Défense nationale a subi les réductions budgétaires les plus importantes de tous les ministères : on parle de 810 millions de dollars cette année, soit 36 % du montant total du gouvernement, de 851 millions de dollars l’année prochaine et de 907 millions de dollars l’année suivante.
L’ombud de l’approvisionnement du Canada, M. Alexander Jeglic, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de l’étude du Budget supplémentaire des dépenses (B), faisant suite à l’ordre de renvoi du 26 novembre 2024. Le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement ne demande pas de fonds dans le Budget supplémentaire des dépenses (B). M. Jeglic a comparu tout juste avant le directeur parlementaire du budget, qui était le premier témoin à cette réunion portant sur l’étude du Budget supplémentaire des dépenses (B). Le mandat de l’ombudsman de l’approvisionnement est défini dans la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, laquelle prévoit que l’ombudsman doit examiner les pratiques d’acquisition des ministères fédéraux pour en évaluer l’équité, l’ouverture et la transparence, de même que présenter des recommandations pendant l’année. Les sociétés d’État ne sont pas incluses dans ce mandat.
Lors de son témoignage, l’ombudsman de l’approvisionnement a souligné l’existence d’importants problèmes systémiques au sein du système gouvernemental de marchés publics. À plusieurs reprises, il a fait part de ses préoccupations en ce qui a trait à l’état actuel des marchés publics fédéraux et a souligné que le système avait besoin d’une réforme urgente. Il a déclaré qu’on pourrait prendre ses rapports remontant à plusieurs années et les dater d’aujourd’hui, et les commentaires et préoccupations seraient toujours d’actualité.
M. Jeglic nous a également dit que ses rapports mettent en lumière des problèmes de longue date en matière de marchés publics, notamment le favoritisme à l’égard de certains soumissionnaires, la complexité des marchés publics fédéraux, le caractère trop restrictif des critères d’évaluation, le manque de documentation et les lacunes béantes dans la qualité des informations contractuelles rendues publiques par les ministères.
M. Jeglic a également parlé des examens spéciaux qu’il a menés l’année dernière. Le premier portait sur les pratiques de passation des marchés ayant conduit à l’attribution de contrats à McKinsey & Company. L’ombudsman a examiné 32 contrats attribués à McKinsey, représentant une valeur totale de 112 millions de dollars. Il a identifié de nombreux problèmes, et ceux-ci sont affichés sur le site Web de son bureau.
Le deuxième examen spécial concernait ArriveCAN, au cours duquel l’ombudsman a examiné 41 marchés liés à cette application. Les détails de l’examen ont également été publiés sur son site Web. Ils font état de certaines préoccupations sur les pratiques d’attribution de contrats qui n’étaient pas conformes à la politique du gouvernement, ce qui menaçait l’équité, l’ouverture et la transparence de la passation des marchés publics. M. Jeglic a aussi parlé de l’étude effectuée par la Chambre des communes sur l’approvisionnement en matière de défense et l’état de préparation des industries canadiennes de défense. Il a fait part de ses commentaires et de ses préoccupations dans le document d’examen des pratiques d’approvisionnement, publié en mai 2022.
Le directeur parlementaire du budget est un autre témoin important qui a été entendu dans le cadre de cette étude — et je l’ai déjà souligné en abordant les déficits actuels et anticipés. Il a publié son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) le 20 novembre dernier et a témoigné devant notre Comité des finances nationales le 26 novembre. À cette occasion, les nombreuses questions et préoccupations abordées par le directeur parlementaire du budget ont fait l’objet de discussions. Comme je l’ai mentionné, une des préoccupations soulevées concernait le retard dans la présentation des Comptes publics du Canada de 2023-2024. Rappelons que huit mois se sont écoulés depuis la fin du dernier exercice financier.
M. Giroux a déclaré qu’on nous demande, en tant que parlementaires, d’approuver des dépenses supplémentaires de 21,6 milliards de dollars, et ce, sans que nous sachions si les ministères et agences ont eu suffisamment d’argent l’an dernier, s’ils ont dépensé tous les fonds ou s’ils étaient très proches de leur limite maximale de dépenses. Autrement dit, nous ne savons pas s’ils ont réellement besoin de ces 21,6 milliards de dollars. C’est incroyable!
Lors de son témoignage, le directeur parlementaire du budget a dit ce qui suit :
C’est un problème que nous signalons depuis plusieurs années : on vous demande à vous, les parlementaires, d’approuver des dizaines de milliards de dollars de dépenses sans avoir la moindre idée de la manière dont le gouvernement est parvenu à ses résultats et du montant de ses dépenses et de ses fonds inutilisés pour l’année qui s’est terminée il y a maintenant plus de huit mois. C’est donc un problème.
Il a également affirmé ce qui suit :
Lorsque la publication des comptes publics est retardée, les parlementaires disposent de moins de temps pour réaliser l’examen financier ex post[...]
Je précise ici, chers collègues, qu’un examen ex post, ou après‑coup, est un examen qui évalue les performances passées d’une organisation en se basant sur des données historiques. Le directeur parlementaire du budget affirmait, et je le cite à nouveau :
[...] les parlementaires disposent de moins de temps pour réaliser l’examen financier ex post et obtenir de meilleurs renseignements pour évaluer les prévisions et documents budgétaires du gouvernement, dont le présent Budget supplémentaire des dépenses.
Honorables sénateurs, je précise, pour faire suite à ce commentaire du directeur parlementaire du budget, qu’en l’absence des comptes publics, on ne peut pas faire un examen complet, puisque nous n’avons pas les informations nécessaires.
M. Giroux poursuivait en mentionnant ce qui suit :
Vous n’avez pas ces renseignements et les ministères vous demandent encore plus d’argent, mais vous ne savez pas si c’est vraiment nécessaire.
De plus, le gouvernement n’a pas encore publié les rapports sur les résultats ministériels pour 2023-2024, de sorte que nous ignorons également le rendement des ministères. Si on nous demande d’approuver l’augmentation du financement d’un ministère ou d’une agence, nous devrions connaître leurs résultats de l’année précédente.
De plus, comme nous ne disposions pas des comptes publics, nous ne savions toujours pas quel était le déficit réel de l’an dernier. Maintenant, nous savons qu’il s’élève à 62 milliards de dollars.
Avec la démission de la ministre des Finances hier, il est apparu clairement qu’il y avait des dissensions entre la ministre et le premier ministre en ce qui concerne la présentation des comptes publics. Cela explique mieux une contradiction que nous avons entendue au Comité des finances entre la vérificatrice générale du Canada et le Conseil du Trésor. En effet, le 27 novembre dernier, un fonctionnaire du Conseil du Trésor, M. Antoine Brunelle-Côté, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, nous a affirmé ce qui suit en répondant à une question sur la transmission des états financiers à la vérificatrice générale :
Ma compréhension est que la vérificatrice générale a reçu un rapport et qu’on attend son avis final; le gouvernement promet de déposer le rapport en vertu de la loi avant le 31 décembre. [...]
Je vais vérifier; je crois que c’est la version finale, mais je dois vérifier cette information.
Or, lors de son témoignage devant le Comité des comptes publics de l’autre endroit le 2 décembre dernier, la vérificatrice générale du Canada a affirmé ce qui suit :
Nous n’avons pas les états finaux. Notre vérification est en cours. Nous travaillons évidemment avec plusieurs versions, mais nous n’avons pas les versions finales.
Cette situation est vraiment exceptionnelle, car les comptes publics étaient déposés précédemment de façon générale en octobre de chaque année. Depuis 2014, c’est seulement en 2015, 2019 et 2021 que les comptes publics ont été déposés au début de décembre, mais je souligne que ces trois années étaient des années électorales, ce qui a pu justifier ce retard.
Quelles sont donc les circonstances exceptionnelles qui expliquent ce retard cette année? Je crois que la démission de la ministre des Finances hier explique le sable qu’il y avait potentiellement dans l’engrenage.
(1400)
Par ailleurs, une augmentation des dépenses pour les Autochtones, qui sont passées de 10,7 milliards de dollars en 2015-2016 à 31 milliards de dollars en 2022-2023, a également attiré mon attention et celle de nos collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Les dépenses réelles pour l’année dernière ne sont pas encore disponibles, puisque, comme je l’ai mentionné précédemment, nous ne disposons pas des comptes publics, mais le directeur parlementaire du budget estime les dépenses en matière de revendications et litiges en cours pour les suivis autochtones à 74 milliards de dollars en 2023-2024 et à 45,7 milliards de dollars en 2024-2025.
M. Giroux a indiqué que les majorations au titre des dépenses pour les Autochtones ou pour les revendications autochtones s’expliquent par différents facteurs, notamment la croissance de la population autochtone, l’augmentation des services fournis à la population autochtone, ainsi que la hausse du nombre de revendications et de règlements.
Les dépenses de 74 milliards de dollars en 2023-2024 incluaient la somme de 23 milliards de dollars destinée au règlement en vertu du Programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. La négociation de cet accord s’est étalée sur plusieurs années, et le règlement définitif a été fixé en 2023-2024.
Enfin, la croissance fulgurante de la fonction publique au sein du gouvernement fédéral a également été scrutée, car le bond dont nous sommes témoins est phénoménal. Toutefois, le niveau de service à la population ne suit manifestement pas, comme on en a eu la preuve depuis plusieurs mois. En effet, la taille de la fonction publique fédérale a considérablement augmenté ces dernières années.
D’après ses analyses et face à ce constat, le directeur parlementaire du budget s’est demandé si les dépenses liées au personnel risquaient de devenir insoutenables en l’absence de changements structurels.
M. Giroux a répondu à ce questionnement par ces mots :
Y a-t-il des mécanismes pour contrôler la croissance? Oui. Des annonces ont été faites concernant la réduction des dépenses de nombreux exercices au cours des deux dernières années. La plupart d’entre eux n’ont pas été finalisés ou ont été suspendus, voire annulés dans un cas. Il y a aussi le Conseil du Trésor du Canada, le groupe de ministres qui est chargé d’examiner les dépenses et d’approuver les chèques qui sont versés aux ministères, même si elles ont été approuvées dans les budgets ou les budgets supplémentaires des dépenses. Il y a un groupe de ministres qui est chargé d’examiner les dépenses du gouvernement, y compris les dépenses liées au personnel.
Est-ce que je pense que les choses vont changer? Ce n’est pas ce que l’histoire suggère. Au cours des dernières années, nous avons constaté à plusieurs reprises que le gouvernement avait l’intention de réduire la taille de la fonction publique l’année suivante, peu importe l’année où vous posez cette question. C’est toujours l’année prochaine. Est-ce que ce sera différent cette fois-ci? Par rapport à la même période l’an dernier, les dépenses liées au personnel ont augmenté de 8 %. Cette année sera-t-elle différente? Je ne le pense pas, même si nous entendons dire que certains contrats d’emploi occasionnel ou à durée déterminée n’ont pas été renouvelés, mais nous n’avons pas assisté à une stabilisation ou à une réduction générale de la taille de la fonction publique, certainement pas en ce qui concerne les employés permanents ou, dans le langage d’Ottawa, les employés nommés pour une période indéterminée. [...]
Je pense que la taille de la fonction publique n’est pas un problème en soi. Elle peut devenir problématique si nous augmentons la taille de la fonction publique et ne constatons pas d’amélioration correspondante des services.
Chers collègues, devant ces nombreuses lacunes, nous ne pourrons évidemment pas donner notre aval à ce projet de loi, le gouvernement n’ayant pas réussi le test de reddition de comptes, de rigueur et surtout pas de transparence minimale, comme nous en avons été témoins hier après-midi. Même la ministre des Finances et vice-première ministre, la numéro 2 du gouvernement, n’a plus confiance en ce premier ministre et en ce gouvernement. Elle qualifie même les mesures gouvernementales d’« astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre ».
Voilà donc, chers collègues, les quelques observations que je souhaitais porter à votre attention. L’étude des budgets supplémentaires des dépenses est toujours un exercice fastidieux, mais il est fondamental au chapitre de la transparence gouvernementale.
Les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales se sont acquittés de leur mandat avec diligence, professionnalisme et rigueur. Je les en remercie sincèrement. Heureusement, nous pouvons compter sur du personnel de soutien hors pair, que ce soit notre greffière, nos analystes et toutes les autres personnes qui travaillent pour nous faciliter la tâche.
Malheureusement, en raison de tant d’imprécisions et d’incertitudes, le projet de loi C-79 est difficile à justifier et à accepter.
Pour conclure sur une note plus positive, à vous toutes et tous, je veux vous exprimer toute ma reconnaissance. Je vous souhaite de joyeuses Fêtes avec beaucoup de plaisir, et surtout un repos bien mérité.
Je vous remercie.
Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Trente minutes? Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : La sonnerie retentira pendant 30 minutes, et le vote aura lieu à 14 h 36. Convoquez les sénateurs.
(1430)
[Traduction]
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :
POUR
Les honorables sénateurs
Adler | LaBoucane-Benson |
Anderson | Loffreda |
Arnot | MacAdam |
Audette | Massicotte |
Bernard | McBean |
Boehm | McCallum |
Boniface | McNair |
Boudreau | McPhedran |
Boyer | Mégie |
Brazeau | Miville-Dechêne |
Burey | Moncion |
Cardozo | Moodie |
Clement | Moreau |
Cormier | Muggli |
Cotter | Osler |
Coyle | Oudar |
Cuzner | Pate |
Dagenais | Patterson |
Dalphond | Petitclerc |
Dasko | Petten |
Dean | Prosper |
Downe | Quinn |
Forest | Ravalia |
Francis | Ringuette |
Fridhandler | Ross |
Galvez | Saint-Germain |
Gerba | Simons |
Gignac | Sorensen |
Gold | Varone |
Greenwood | Wells (Alberta) |
Harder | White |
Kingston | Woo |
Klyne | Youance |
Kutcher | Yussuff—68 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Plett |
Batters | Richards |
Carignan | Seidman |
Housakos | Smith |
MacDonald | Wallin |
Martin | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—12 |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Robinson | Verner—3 |
Tannas |
(1440)
Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial
Adoption du trente et unième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko, tendant à l’adoption du trente et unième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 3 décembre 2024.
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Troisième lecture
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois maintenant.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je demande que la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 15, et qu’elle reprenne après une sonnerie d’une durée de cinq minutes pour que le Sénat se forme en comité plénier.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.
(La séance du Sénat est suspendue.)
[Français]
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1510)
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 12 décembre 2024, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique. L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité.
Le conseiller sénatorial en éthique
Réception de James O’Reilly en comité plénier
L’ordre du jour appelle :
Le Sénat en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique.
(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)
La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique.
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur.
Le comité accueillera James O’Reilly, et je l’invite maintenant à nous rejoindre.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, James O’Reilly prend place dans la salle du Sénat.)
La présidente : Monsieur O’Reilly, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.
James O’Reilly, candidat proposé au poste de conseiller sénatorial en éthique : Merci beaucoup.
[Traduction]
Honorables sénateurs, c’est un grand honneur de me présenter devant vous aujourd’hui en tant que personne nommée par le premier ministre du Canada, le très honorable Justin Trudeau, au poste de conseiller sénatorial en éthique.
Je peux vous assurer que ma nomination ne repose pas sur une connaissance approfondie du Règlement, des procédures ou de l’histoire du Sénat. Ce sont des sujets dans lesquels je compte me plonger au cours des semaines et des mois à venir. Comme vous tous, j’arrive au Sénat après avoir exercé une autre profession. Comme vous tous, je vivrai sans doute une période d’apprentissage et d’adaptation et j’arriverai, je l’espère, à une meilleure compréhension du rôle important que joue cette vénérable Chambre dans la démocratie canadienne.
Je n’en suis toutefois pas à mes premières armes dans le domaine de l’éthique. En effet, j’ai participé à la rédaction des premiers Principes de déontologie judiciaire en 1998. J’ai été membre du comité consultatif sur la déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature pendant 12 ans, et je suis souvent appelé à conseiller des collègues juges sur des questions de déontologie. Cela dit, je reconnais que ces diverses expériences sont différentes du rôle que je pourrais avoir à jouer à titre de conseiller sénatorial en éthique.
Les règles et les lignes directrices en matière d’éthique doivent être interprétées et comprises dans le contexte particulier où elles s’appliquent. Je pense que mes antécédents me permettent d’interpréter et d’appliquer raisonnablement les normes d’éthique dans le domaine judiciaire, mais savoir déterminer ce qu’est une conduite éthique au sein de la magistrature n’est pas forcément instructif pour déterminer ce qu’est une conduite éthique pour un sénateur. Le contexte est essentiel. Par exemple, ce qui pourrait être une déclaration inacceptable sur un sujet controversé de la part d’un juge pourrait très bien être une déclaration parfaitement appropriée de la part d’un sénateur.
Par conséquent, en toute humilité, je me présente à vous comme quelqu’un qui a beaucoup à apprendre et qui est prêt à recevoir les conseils et les contributions des membres de cet organe.
[Français]
J’ai beaucoup à apprendre, et c’est avec plaisir que je recevrai des conseils et des contributions de la part des membres de cette Chambre.
(1520)
[Traduction]
Je vous assure que je continuerai à adhérer aux principes qui m’ont guidé dans ma carrière judiciaire, à savoir la retenue et la modération.
Souvent, moins on en dit, mieux c’est. De plus, il faut toujours s’exprimer avec prudence. Les gens doivent vivre avec les décisions qu’ils prennent et avec les mots qu’ils choisissent dans ces décisions.
Depuis plus de 15 ans, j’enseigne la rédaction de décisions à des juges et à des membres de tribunaux administratifs. Le message le plus important que je leur adresse est le suivant : soyez très prudents.
Ne dites que ce qui doit être dit et n’utilisez jamais un langage sévère, à moins que cela ne puisse être évité. Je vous remercie, et ce sera avec plaisir que je répondrai à vos questions.
La sénatrice Seidman : Bienvenue au Sénat du Canada, monsieur le juge O’Reilly. En guise d’introduction, je préside le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Vous avez acquis une expérience considérable en tant que juge au cours des dernières décennies. Avez-vous des connaissances particulières ou une expérience précise par rapport au contexte parlementaire ou au Sénat?
M. O’Reilly : Mon expérience se limite à observer avec beaucoup d’intérêt les travaux qui m’intéressent plus particulièrement. Récemment, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les délibérations sur le projet de loi C-40, qui traite des erreurs judiciaires, un sujet qui m’a beaucoup intéressé tout au long de ma carrière.
Pour ce qui est de l’expérience pratique, j’ai été pendant un certain temps le conseiller juridique d’un comité parlementaire. C’était pour le Comité de la justice quand il examinait les modifications au Code criminel. C’était il y a une vingtaine d’années, mais j’ai eu l’occasion de passer pas mal de temps en comité et d’observer d’autres travaux de la Chambre des communes.
La sénatrice Seidman : Pourriez-vous nous expliquer comment vous voyez le rôle des sénateurs?
M. O’Reilly : Me demandez-vous quelle est ma perception du rôle des sénateurs?
La sénatrice Seidman : Oui.
M. O’Reilly : À titre de membre d’une profession qui exige aussi de se livrer à un examen objectif, je pense que je comprends un peu cette institution. En conséquence, comme je l’ai dit, j’ai suivi avec intérêt les délibérations non seulement en comité, mais aussi au Sénat ces derniers temps. Je dois dire que lorsque cette institution étudie les projets de loi et évalue les façons de les améliorer, les débats ont tendance, selon moi, à être très polis, très approfondis, respectueux et extrêmement importants, et ce que je lis dans les reportages des médias confirme cette impression.
Bien sûr, il y a également ce que prévoit clairement votre code de conduite sur les priorités que les sénateurs doivent suivre dans le cadre de leurs travaux au Sénat et les normes d’éthique auxquelles ils doivent se conformer.
La sénatrice Seidman : Seriez-vous prêt à rencontrer à brève échéance un groupe diversifié de sénateurs, qui réunirait des sénateurs de longue date et d’autres qui sont de nouveaux venus, pour qu’ils puissent vous parler de ce qu’ils font et de ce en quoi consiste leur rôle selon eux?
M. O’Reilly : Volontiers. Comme je l’ai dit, je pense que je dois m’immerger dans les travaux de cette chambre et mieux comprendre son rôle, et cela semble être une bonne façon de commencer.
La sénatrice Seidman : Vous avez probablement pris le temps de vous familiariser avec notre code de déontologie. Nous sommes d’ailleurs en train d’effectuer une révision quinquennale de notre code. C’est une exigence qui a été intégrée dans le code lui-même. Selon vous, notre code est-il suffisant pour protéger l’intégrité des sénateurs et de l’institution et a-t-il la souplesse voulue pour permettre aux sénateurs de s’acquitter de leurs fonctions?
M. O’Reilly : Je ne prétends pas être déjà un expert mais, à première vue, le document semble atteindre cet équilibre. Cependant, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la façon dont il est appliqué et interprété. C’est une autre paire de manches. Je peux toutefois dire qu’il est très équilibré, ainsi que très détaillé à certains égards. Par exemple, il fournit une définition assez détaillée des conflits d’intérêts, et il explique aux sénateurs de manière très précise leurs obligations relatives aux déclarations d’intérêts personnels.
On trouve aussi dans le code des principes très nobles qui ne sont pas aussi détaillés. Je pense, par exemple, à l’obligation de se comporter avec intégrité, honneur et dignité, qui est peut-être le principe le plus important. Cependant, il est un peu vague, et les formes de conduite autorisées ou non ne sont pas claires à la lecture du document. Je ne sais pas s’il est possible d’apporter des précisions à ce sujet. Toutefois, votre examen quinquennal pourrait vous donner des pistes de solution.
D’après mon expérience dans le domaine judiciaire, je sais que ces choses sont constamment sujettes à interprétation. Par ailleurs, je pense que les décisions de mon prédécesseur créeront une forme de précédent qui guidera les sénateurs et, dans une certaine mesure, le prochain conseiller sénatorial en éthique.
Ma réponse n’est pas très précise, mais j’estime que le document est équilibré. C’est aux sénateurs de décider si cet équilibre peut être modifié.
La sénatrice Seidman : En effet, le code n’est pas censé être un instrument statique, mais un document évolutif qui doit être modernisé et mis à jour, comme nous le faisons. En outre, vous avez parlé du genre de règles sur la conduite générale qui se trouvent dans notre code d’éthique, comme les articles 7.1 et 7.2, que nous invoquons très régulièrement et qui sont très ambitieux et non prescriptifs. Je suppose que c’est là-dessus que porte le débat. Par exemple, la Chambre des lords du Royaume-Uni vient de terminer la révision de son code pour qu’il aille au-delà de ce type d’approche axée sur des principes : elle a adopté une approche plus prescriptive et axée sur des règles et elle a ajouté un code de conduite. C’est peut-être ce que vous demandez actuellement : veut-on adopter une approche prescriptive ou non? C’est toujours une question difficile. Qu’en pensez-vous?
M. O’Reilly : Sénateurs, on trouve dans le contexte judiciaire les deux aspects que vous venez de décrire. Il y a les très vastes principes qui correspondent aux aspirations — les principes d’éthique — que les juges sont censés viser. Il y a aussi les particularités propres à chaque principe que l’on retrouve dans les commentaires. Il y a également les décisions — pas seulement celles du Conseil canadien de la magistrature, mais aussi celles du Comité consultatif sur la déontologie judiciaire —, qui fournissent une interprétation supplémentaire. Il existe donc toute une série de normes, et plus on creuse, plus on entre dans le détail. Les sénateurs pourraient éventuellement se pencher sur la question.
Bien entendu, il y a aussi les lignes directrices promulguées par mon prédécesseur dans certains domaines. Je ne les ai pas encore examinées attentivement, mais je suppose qu’elles précisent quelque peu les normes auxquelles il faut aspirer.
En ce qui concerne l’idée de passer le code en revue, je note que M. Legault a ciblé certains domaines qui, selon lui, méritent une attention particulière en vue de moderniser ou de modifier le code dans le futur. J’aimerais beaucoup explorer cela plus en détail.
(1530)
La sénatrice Seidman : Merci. Les articles 7.1 et 7.2 sont des principes qui représentent des aspirations et ils ont été ajoutés en 2014. En fait, le Sénat est la seule assemblée parlementaire du Canada qui se soit dotée d’un code de déontologie permettant à un agent indépendant — le conseiller sénatorial en éthique — d’évaluer le respect des normes générales régissant la conduite des parlementaires. Quelle est votre opinion à ce sujet?
M. O’Reilly : Eh bien, le Code est un document que les sénateurs ont décidé d’appliquer envers eux-mêmes. Donc, c’est un ensemble de normes que les sénateurs acceptent, je présume, et qui présente les exigences élevées qui sont liées à leur rôle. Je comprends que c’est un outil unique pour un organe législatif, mais ce n’est pas le cas en ce qui concerne d’autres genres d’organisations. Je pense que cela pose des problèmes particuliers. Je suis convaincu que, lorsque j’irai à la rencontre des sénateurs pour discuter du Code et du fonctionnement du Sénat, j’en apprendrai davantage à ce sujet. Je serais heureux de connaître leurs préoccupations à propos des normes ou de savoir s’ils estiment qu’il faudrait en ajouter et s’il faudrait plutôt les réduire ou mieux les cibler. Je serais très curieux d’entendre leurs perspectives.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bienvenue au Sénat, monsieur O’Reilly. Je voudrais approfondir la question du code d’éthique.
Le code d’éthique prescrit certaines règles de déontologie encadrant notre conduite. En effet, un sénateur doit exercer ses fonctions avec honneur, intégrité et dignité. Qu’elle soit exercée à l’intérieur ou à l’extérieur de cette enceinte, les sénateurs doivent adopter une conduite qui respecte les normes les plus élevées de dignité inhérentes à la charge de sénateur.
Comment interprétez-vous ces dispositions? Quel sens donnez-vous à ces notions de dignité, d’intégrité et d’honneur?
M. O’Reilly : Je vous remercie pour la question, sénateur Cormier. La question est la suivante : que veulent dire les normes de dignité, d’honneur et d’intégrité? C’est la question la plus difficile à laquelle un conseiller sénatorial en éthique peut répondre.
[Traduction]
Vous me mettez sur la sellette.
[Français]
Comme je viens de le dire, il est nécessaire de savoir comment les sénateurs voient ces normes élevées auxquelles ils aspirent. Je suis prêt à entendre les perspectives des membres de cette Chambre à cet égard.
Le sénateur Cormier : Je vais vous poser la question suivante. Nous avons eu récemment une discussion sur le langage utilisé à l’intérieur de cette enceinte en nous demandant s’il devait y avoir une liste de mots prescrits et qui sont considérés comme inadéquats par rapport à ces notions de dignité et de respectabilité. Pensez-vous que ce serait une bonne idée d’avoir des mesures aussi précises sur la question du vocabulaire utilisable ou non dans une enceinte comme le Sénat du Canada?
M. O’Reilly : Merci. C’est aux sénateurs de décider des normes qui s’appliquent dans la Chambre du Sénat, et selon les perspectives de Son Honneur la Présidente à cet égard. C’est une question différente de la question portant sur l’application de ces normes dans d’autres contextes. Il est difficile pour moi de répondre à cette question très précise.
Le sénateur Cormier : Dans le cadre de leurs fonctions, les sénateurs sont tenus de fournir certaines informations pertinentes au conseiller sénatorial en éthique, dont des déclarations confidentielles et de conformité. On peut également demander un avis au conseiller en toute discrétion sur un cas en particulier. Occasionnellement, un sénateur peut recevoir certaines mises à jour, comme des lignes directrices révisées. Dans l’ensemble, selon mon expérience, une interaction directe avec le conseiller reste limitée. Quels moyens mettrez-vous en place pour favoriser une meilleure communication avec les sénateurs et leurs équipes? Comment allez-vous renforcer ces interactions pour assurer une bonne compréhension du code d’éthique et offrir un soutien clair, accessible et adapté aux besoins des sénateurs et sénatrices?
M. O’Reilly : Merci. Comme je l’ai dit il y a quelques minutes, je suis prêt à entendre les perspectives des sénateurs à cet égard. S’il y a des moyens de faciliter les déclarations et les obligations des sénateurs à cet égard, je suis prêt à les considérer. Je n’ai pas de recommandation spécifique à faire en ce moment, mais je pense que M. Legault a tenté de mettre en place des mesures pour faciliter la communication entre les sénateurs et le conseiller sénatorial en éthique. Je suis prêt à poursuivre dans cette voie.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup, monsieur O’Reilly.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je vous souhaite la bienvenue. Félicitations, et je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Merci pour vos décennies d’efforts et de réalisations au service de notre pays, monsieur le juge O’Reilly.
À l’instar de mes nombreux collègues sénateurs qui viennent du secteur bénévole, de la société civile ou des milieux universitaires, j’ai souvent l’impression que les règles et les pratiques actuelles du Sénat en matière d’éthique servent davantage à assimiler les connaissances, l’expertise et la participation à des intérêts financiers ou des allégeances politiques quand vient le temps de déterminer quelles situations doivent être considérées comme des conflits d’intérêts et nécessitent une déclaration de la part d’un sénateur ou son exclusion du vote sur certains projets de loi. Pourriez-vous nous dire comment vous procéderiez pour discerner et résoudre les situations de conflit d’intérêts? Quelles méthodes proposeriez-vous pour promouvoir et évaluer les rôles et les responsabilités des sénateurs en matière d’éthique au sein de cette institution en constante évolution?
M. O’Reilly : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Si je peux me permettre d’explorer un peu le fondement de votre question, je suppose que ce dont vous parlez, c’est que les règles relatives aux conflits d’intérêts se concentrent sur des intérêts privés et personnels qui sont très probablement de nature pécuniaire plutôt que sur un intérêt plus large. Je trouve la question intéressante. Je pense que ces intérêts sont probablement considérés comme étant les sources de conflit les plus évidentes, les façons les plus évidentes par lesquelles un décideur — consciemment ou inconsciemment — peut être moins qu’impartial en raison de ce type d’intérêts.
Je suppose que ce que vous voulez dire, c’est qu’il peut y avoir d’autres types d’intérêts qui ne sont pas désignés et qui peuvent avoir un effet tout aussi important sur les décideurs, y compris les membres de notre assemblée. Je suppose que cela, par exemple, peut être à l’origine de la désignation de certains domaines par M. Legault comme devant faire l’objet d’une plus grande attention. Je pense qu’il a mentionné plusieurs préoccupations concernant les activités à but non lucratif, par exemple. Je pense que ces préoccupations ont été établies et je serais très intéressé d’en savoir plus à leur sujet et sur la manière dont le code pourrait être adapté pour en tenir compte.
La sénatrice Pate : Je pense également à l’évolution des idées et des connaissances entourant notamment la race, le sexe ou la classe sociale, et à l’incidence que cela peut avoir sur ce que l’on considère comme une conduite convenable, digne et honorable qui témoigne de l’intégrité des sénateurs.
M. O’Reilly : Merci, sénatrice. Je pense que vous parlez maintenant d’aspects qui vont au-delà de ce que nous considérerions comme des conflits d’intérêts, mais qui se rapportent peut-être aux partis pris dans un sens plus large. Ce sont des normes qui évoluent, et le Sénat devra s’assurer qu’elles évoluent pour tenir compte de ce que nous savons sur les partis pris et les préjugés. D’ailleurs, je consacre une bonne partie de mes temps libres à étudier les idées préconçues des décideurs, y compris ce que nous considérerions d’emblée comme des préjugés fondés sur des caractéristiques personnelles, mais cela va au-delà de certaines tendances comme les biais de confirmation, les biais rétrospectifs ou d’autres influences qui s’exercent sur le processus décisionnel et que nous devons mieux comprendre, à mon avis.
(1540)
J’ai exhorté mes collègues de la magistrature à se pencher là-dessus et j’ai élaboré des programmes de formation à l’intention des juges à ce sujet. Cependant, le Sénat est un organe décisionnel, et c’est le genre de choses qu’il faut mieux comprendre pour saisir les nuances à prendre en considération dans la prise de décisions. Comme vous le soulignez à juste titre, cela a une incidence sur la façon d’interpréter des notions comme la dignité, l’honneur et l’intégrité.
La présidente : Merci. Nous passons maintenant au prochain bloc de 10 minutes, que les sénateurs Tannas, Smith et Dagenais se partageront.
Le sénateur Tannas : Bienvenue, monsieur le juge O’Reilly. J’ai seulement une question, qui porte sur le délai des enquêtes. Je suis sénateur depuis une douzaine d’années, et la plupart des enquêtes entreprises par les conseillers sénatoriaux en éthique ont pris beaucoup plus de temps que je ne saurais m’expliquer raisonnablement. Pendant une grande partie de mes années au Sénat, j’ai fait partie du Comité sur l’éthique. Avez-vous remarqué comme les délais sont longs? Ils le sont certainement comparativement à ce qui se fait à la Chambre des communes, qui est doté d’un processus semblable. Vous attendez-vous à poursuivre la tradition d’étaler les enquêtes en matière d’éthique sur des années plutôt que sur des mois?
M. O’Reilly : Je vous remercie. Honorables sénateurs, en lisant les rapports d’enquêtes de mon prédécesseur, j’ai remarqué qu’il a fallu beaucoup de temps pour mener ces enquêtes. Ce n’est pas une critique de ma part. J’ignore pourquoi les délais ont été aussi longs. Je ne sais pas quels ont été les obstacles. Il existe des comptes rendus chronologiques très détaillés du déroulement des enquêtes, et je n’ai pas remarqué d’interruptions particulièrement longues qui m’auraient semblé problématiques. Toutefois, j’ai remarqué que, dans l’ensemble, les enquêtes ont pris beaucoup de temps.
Je vous signale en outre que M. Legault a souligné que les ressources du bureau sont limitées. J’aimerais beaucoup savoir quelles sont les ressources disponibles. Pour l’instant, j’ignore tout de la composition de son bureau. Cependant, si les ressources sont limitées et que cela pose un problème pour la rapidité des enquêtes, c’est une difficulté que je serais prêt à résoudre.
Le sénateur Tannas : Vous pouvez compter sur le soutien de certains d’entre nous à votre cause. Si le temps, c’est de l’argent, je pense que les sénateurs vous prêteront une oreille attentive, parce que la réputation du Sénat est en jeu et, dans bien des cas, celle des sénateurs aussi. Nous ne voulons pas que des doutes planent trop longtemps. Je vous remercie.
Le sénateur Smith : Bonjour, monsieur. Voici les explications que l’on trouve dans le site Web du Bureau du conseiller sénatorial en éthique, à propos du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs :
Le conseiller sénatorial en éthique est chargé d’interpréter et d’appliquer le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Son rôle consiste notamment à conseiller les sénateurs sur l’application du Code, à administrer un processus annuel de déclaration et à mener des enquêtes.
Le conseiller a deux rôles : conseiller les sénateurs en ce qui concerne les obligations que leur impose le code et mener des enquêtes et agir en tant qu’arbitre dans les cas où il pourrait y avoir violation du Code. Pourriez-vous nous faire part de vos premières réflexions sur ce que vous prévoyez faire pour concilier la responsabilité de conseiller les sénateurs avec celle de mener des enquêtes?
M. O’Reilly : Je vous remercie. Vous avez souligné un élément que j’ai également relevé dans le code d’éthique. Cela donne évidemment lieu à des tensions inhérentes au fait que le conseiller sénatorial en éthique est censé conseiller les sénateurs et qu’il peut arriver plus tard que ce même conseiller se prononce sur une question sur laquelle il aurait pu donner des conseils auparavant. Il s’agit évidemment d’une situation très délicate. À ce que je sache, une telle situation ne s’est jamais produite, mais il est tout à fait possible que cela se produise.
J’ai joué les deux rôles dans le contexte judiciaire, mais pas à l’égard de la même personne, et c’est évidemment là que les tensions seraient les plus fortes.
Je ne peux pas dire à l’avance comment je gérerais une telle situation, mais je serai très sensible au fait que ces deux rôles doivent être joués en même temps, évidemment avec sensibilité et doigté.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour, monsieur O’Reilly.
Depuis quelques années, la société en général est le théâtre de nombreuses dénonciations en ce qui a trait au harcèlement en milieu de travail. Dans une définition du mot « éthique », on associe manifestement l’agression sexuelle, l’assaut, la fraude, le vol et le meurtre à l’éthique, mais votre prédécesseur, M. Legault, a déclaré en 2019 qu’il croyait que le conseiller sénatorial en éthique ne devrait intervenir dans une affaire de harcèlement que si le Sénat lui demandait de le faire, parce que le dossier pourrait nuire à la réputation de l’institution.
Avez-vous la même vision que lui sur le sujet? Comment envisagez-vous votre rôle face à de potentiels cas de harcèlement?
M. O’Reilly : Je vous remercie pour la question, monsieur le sénateur.
[Traduction]
Je ne savais pas que mon prédécesseur avait dit cela.
[Français]
Je ne sais pas si c’est une politique que je vais suivre moi-même, mais je suis sûr que c’est une question importante que je devrai étudier bientôt.
[Traduction]
La présidente : Nous passons à la prochaine période de 10 minutes, qui sera partagée entre le sénateur Harder et le sénateur Cardozo.
Le sénateur Harder : Merci, madame la présidente, et bienvenue, monsieur O’Reilly. J’aimerais parler un peu de la relation entre le conseiller sénatorial en éthique, qui est indépendant, et le Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Il s’agit d’un partenariat important qui doit être réciproque.
La Loi sur le Parlement du Canada et le code prévoient tous deux que, lorsqu’il s’acquitte de ses fonctions, le conseiller sénatorial en éthique est placé sous ce qu’on y décrit comme étant « l’autorité générale du comité ».
Selon vous, quel rôle le comité devrait-il jouer pour aider le conseiller sénatorial en éthique à s’acquitter de ses responsabilités émanant du code? Pouvez-vous décrire le niveau de collaboration que vous souhaiteriez établir? Comment interpréteriez-vous votre indépendance par rapport au comité, dans le cadre de cette collaboration? Pensez-vous qu’il pourrait survenir un conflit d’intérêts lorsque vous exercerez vos fonctions tout en étant sous l’autorité du comité?
M. O’Reilly : Merci, sénateur. Je me posais des questions sur la signification de l’expression « l’autorité générale du comité ». Je n’ai rien trouvé qui m’aide à comprendre ce partenariat, mais je peux imaginer des situations où le comité pourrait souhaiter inviter le conseiller à expliquer son interprétation du code ou même d’une enquête particulière, même si je n’ai pas vu cela se produire. J’en apprendrai peut-être davantage sur cette relation.
(1550)
J’ai remarqué que l’un des rapports d’enquête soulevait la question de savoir si une affaire devait être renvoyée au comité pendant qu’une enquête était en cours. Mon prédécesseur était fermement convaincu qu’il était inapproprié de procéder de la sorte, ce qui m’a semblé logique quand j’ai lu sa position. Il se peut que les membres du comité aient une opinion différente et, si c’est le cas, j’aimerais l’entendre.
Je me suis demandé si l’expression « sous l’autorité générale du comité » était censée exprimer l’idée qu’il appartient au comité de donner des directives générales au conseiller de temps à autre, mais pas, bien sûr, sur une enquête particulière.
Le sénateur Harder : Je souhaite passer à un autre sujet.
Le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs a pour objet, entre autres, « de préserver et d’accroître la confiance du public dans l’intégrité des sénateurs et du Sénat ». À votre avis, quel rôle jouez-vous dans la réalisation de cette partie du code?
M. O’Reilly : Je vous remercie.
C’est intéressant. Je pense que ces grands principes visent à éclairer l’interprétation d’autres dispositions du code, et c’est ainsi qu’on s’en sert d’après mes observations. C’est une façon précise de procéder. Il n’est pas inhabituel que les codes ou les lois contiennent une disposition de déclaration d’objet qui aide la personne qui interprète la loi ou le code à comprendre comment elle est censée l’appliquer, ou du moins à comprendre les aspirations qui sous-tendent les parties plus précises du code. À mon avis, le conseiller sénatorial en éthique remplirait cette fonction.
C’est là l’utilité d’avoir un code — que tous les sénateurs connaissent leur rôle et leur raison d’être au sein de cette institution. Ce code orientera leur comportement en général pour que le conseiller utilise les mêmes principes et objectifs dans l’interprétation de l’application du code.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie. J’ai une question. J’aimerais donner le temps de parole qu’il me restera à ma collègue, la sénatrice Audette.
Monsieur O’Reilly, je vous remercie d’être venu ici et d’avoir posé votre candidature à ce poste important. Nous avons discuté avec vous de votre obligation de rendre des comptes au Sénat. Si je peux paraphraser vos propos, vous avez dit qu’il s’agit d’un code que les sénateurs ont adopté pour déterminer comment ils allaient régir leurs affaires. Je paraphrase.
Si le Sénat modifiait le code au cours de votre mandat et l’assouplissait de manière à faciliter les comportements peu éthiques, quel serait votre rôle, selon vous? Comment réagiriez-vous à cela?
M. O’Reilly : Je vous remercie. Honorables sénateurs, encore une fois, c’est à cette institution d’en décider. Dans ces circonstances, il pourrait être souhaitable de demander l’avis et les conseils du conseiller qui, à ce moment-là, aurait peut-être une certaine expérience de l’application du code ainsi que dans d’autres domaines qui pourraient le guider. Ultimement, c’est l’institution qui détermine ce que dit le code. Il serait important de tenir compte de l’avis du conseiller, en particulier s’il a une certaine expérience dans l’application du code.
Le sénateur Cardozo : Le feriez-vous en privé avec un comité ou ressentiriez-vous le besoin de le faire en public?
M. O’Reilly : J’attendrais qu’on m’invite à prendre la parole et je ne le ferais que si je pensais que mes idées étaient les bienvenues.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vous trouve courageux d’être devant nous tous et toutes. Vous comprenez que je parle français. Pouvez-vous me rassurer sur le fait que les membres de votre équipe seront aussi en mesure de nous répondre rapidement en français? Enfin, quelle est votre sensibilité par rapport aux protocoles ou aux approches autochtones que nous amenons tranquillement dans ce bel endroit? Je ne veux pas vous poser une question à brûle-pourpoint, mais j’aimerais que vous me rassuriez pour ce qui est du français.
M. O’Reilly : Bien sûr, il est important que le Bureau du conseiller sénatorial en éthique soit une organisation bilingue. C’est important de vous répondre dans les deux langues officielles et de communiquer avec tous les sénateurs et toutes les sénatrices en français et en anglais. En ce qui concerne les protocoles autochtones, je suis un peu mal à l’aise à vous répondre. Je ne comprends pas très bien ce à quoi vous faites référence.
La sénatrice Audette : Il serait peut-être bon de se rencontrer avec des sénateurs autochtones pour échanger avec vous sur ces belles pratiques, qui sont millénaires et ouvertes à toutes les cultures.
La présidente : Nous passons au prochain bloc de 10 minutes, qui sera partagé entre le sénateur Carignan et la sénatrice Batters.
Le sénateur Carignan : Bienvenue, monsieur O’Reilly. Je siège aussi au Comité sur l’éthique. On a vu plusieurs éléments dans le code. L’un des enjeux que je constate est votre double rôle; le sénateur Smith en a parlé un peu tout à l’heure.
J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur cet aspect de double rôle. Vous êtes conseiller et enquêteur en même temps. Pour conseiller, puisque vous avez été avocat, vous êtes bien conscient de l’importance du lien de confiance, afin que l’on puisse donner toute l’information dont nous disposons pour vous permettre de nous donner un avis approprié. D’un autre côté, il peut y avoir des réticences, car si je commets une infraction, vous devrez aussi faire enquête. Donc, le risque d’obtenir une information qui pourrait être délicate existe aussi; comment voyez-vous ce double rôle? Soyez à l’aise de dire que vous croyez que ces rôles sont incompatibles ou que vous pourriez recommander de séparer ces rôles-là. Cela peut être fait. Comment voyez-vous ce double rôle, et comment allez-vous faire en sorte que je puisse vous parler librement, en pleine confiance, sans risque que cela se retourne contre moi, par exemple?
M. O’Reilly : Merci. On revient aux questions les plus délicates. Je vous remercie de votre question. Je pense que dans le code, il y a une défense prévue pour un sénateur qui fait une déclaration et qui souhaite obtenir l’opinion du conseiller sénatorial en éthique. Cela donne peut-être un peu d’assurance pour encourager les sénatrices et sénateurs à divulguer des éléments d’information ou à déclarer certaines choses au conseiller. Il va sans dire que les deux rôles sont différents. Il risque d’y avoir des conflits entre le rôle de conseiller et celui de décideur comme juge, en effet. Je n’ai pas de réponse claire à votre question, mais je comprends que c’est une question très importante.
Le sénateur Carignan : Vous arrivez avec une expérience très variée. Vous avez semblé l’annoncer comme étant un désavantage. C’est parfois un avantage d’avoir une expérience variée pour voir les choses avec un œil nouveau. Aurez-vous une approche critique par rapport au code? Si vous constatez que certains éléments ne fonctionnent pas ou devraient être modifiés, allez-vous adopter une approche critique pour nous conseiller de le modifier?
(1600)
M. O’Reilly : Je suis intéressé à examiner les recommandations de M. Legault et à étudier différents aspects du code pour déterminer si des amendements sont nécessaires. Cela m’intéresse beaucoup.
Pendant plusieurs années, j’ai été avocat à la Commission de réforme du droit du Canada, au ministère de la Justice et à la Chambre des communes. L’étude des possibilités de réforme m’intéresse. Cependant, je ne vous dis pas que c’est la première chose que je ferai, car il faudra un peu de temps et de communications avant de déterminer si des changements sont appropriés.
[Traduction]
La sénatrice Batters : En février 2023, l’actuel conseiller sénatorial en éthique a publié un document intitulé Ligne directrice sur les activités externes sur son site Web et il a envoyé une note explicative par courriel aux sénateurs. Dans son courriel, M. Legault a déclaré que cette ligne directrice « se veut un outil de référence pour mieux comprendre le code », puis il a ensuite précisé « et la façon dont je l’interprète et l’applique en date de sa publication ».
Monsieur le juge O’Reilly, cette ligne directrice ne présente pas une interprétation négligeable du code d’éthique. Elle crée de nouvelles exigences et restrictions substantielles dans le code d’éthique. L’actuel conseiller sénatorial en éthique a récemment supprimé la partie de sa ligne directrice relative aux groupes d’amitié parlementaire, mais le reste de la ligne directrice demeure intact.
Étant donné que de nombreuses autres nouvelles exigences et restrictions potentiellement problématiques sont incluses dans cette ligne directrice, elles doivent être approuvées par l’ensemble du Sénat et non pas imposées par le conseiller sénatorial en éthique. Accepteriez-vous de revoir cette ligne directrice et d’en supprimer toutes les dispositions qui ne sont pas dans son champ d’application?
M. O’Reilly : Mesdames et messieurs les sénateurs, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question très précise, car je n’ai pas étudié attentivement la ligne directrice. Je suppose qu’elle vise à fournir des conseils supplémentaires sur l’interprétation des dispositions du code sans aller au-delà des paramètres du code actuel, selon un fonctionnement semblable à celui d’une mesure législative subordonnée. Dans le contexte judiciaire — pour prendre un exemple tiré de ce domaine —, les commentaires sur la conduite des juges ne vont pas au-delà des principes généraux auxquels les juges sont liés. Je crains que cette réponse ne soit que superficielle, étant donné les circonstances, mais je peux certainement m’engager à examiner la question.
La sénatrice Batters : Je vous remercie, monsieur O’Reilly. Je comprends la situation. L’un des éléments de la ligne directrice de février 2023 qui pourrait poser problème concerne les restrictions portant sur les comptes de médias sociaux des sénateurs. Ni le code régissant l’éthique des sénateurs, ni le Règlement du Sénat, ni le Règlement administratif du Sénat, ni même la Politique sur la gestion de bureau des sénateurs ne parlent des comptes de médias sociaux des sénateurs. Je dirais donc que les restrictions mentionnées dans la ligne directrice sont absolument inédites et que, par conséquent, comme vous le disiez plus tôt à l’un de mes collègues, il devrait revenir aux sénateurs de prendre une décision à cet égard. Toute restriction dans ce domaine devrait être approuvée par l’ensemble du Sénat. Cet élément pourrait peut-être faire partie de la nouvelle réflexion sur l’ensemble du code.
Accepteriez-vous d’examiner ces dispositions de la ligne directrice en gardant ces commentaires à l’esprit, étant donné qu’il faudra peut-être un peu de temps avant que le Comité sénatorial sur l’éthique puisse nous présenter une ébauche des dispositions pour le nouveau code?
M. O’Reilly : Ma liste de choses à faire semble s’allonger. Merci.
La sénatrice Batters : En dernier lieu, monsieur le juge O’Reilly, j’aimerais vous poser une question, étant donné que nous sommes des parlementaires et non des juges, et que, selon le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, les fonctions et les responsabilités parlementaires comprennent « [...] les engagements publics et officiels et les questions partisanes [...] ».
Selon vous, le rôle des sénateurs à titre de parlementaire peut-il coexister avec celui de sénateur à titre de partisan? Selon vous, est‑ce que l’expression d’un point de vue politique ou partisan de la part d’un sénateur est contraire au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs?
M. O’Reilly : Je suis désolé, je n’ai pas très bien compris votre question. Pourriez-vous la répéter?
La sénatrice Batters : Bien sûr. Je m’intéresse plus précisément au rôle des sénateurs à titre de parlementaires. Quel est votre point de vue sur la partisanerie, qui est explicitement autorisée dans le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, selon lequel les fonctions et les responsabilités parlementaires comprennent « [...] les engagements publics et officiels et les questions partisanes [...] »? Selon vous, est-ce que l’expression d’un point de vue politique ou partisan de la part d’un sénateur est conforme au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, ou est-elle contraire au code?
M. O’Reilly : Je vous remercie. La partisanerie n’est contraire à aucune norme d’éthique pour une institution de cette nature; elle le serait dans le contexte judiciaire. De toute évidence, le code est conçu, appliqué et interprété en tenant compte du fait qu’il existe un certain élément de partialité inhérent à la mission de cette institution. En même temps, il fixe des limites à la conduite, et peut-être aussi à l’expression, afin de soutenir et d’appuyer les principes de dignité auxquels on doit aspirer, entre autres. Je ne vois pas de conflit entre ces éléments, mais il est certain qu’ils s’appliquent différemment dans ce contexte que dans d’autres, et je le comprends.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Merci, monsieur O’Reilly. Nous passons maintenant au dernier bloc de 10 minutes, que se partageront le sénateur Cotter et la sénatrice Saint-Germain.
Le sénateur Cotter : Bienvenue, monsieur le juge O’Reilly. Merci de vous joindre à nous. Je suis moi aussi membre du Comité sénatorial sur l’éthique, dont je suis le vice-président, même si c’est seulement pour huit heures de plus.
J’ai essentiellement deux questions, mais je voudrais les poser en même temps parce que je pense qu’elles se recoupent. Premièrement, comme vous l’avez noté, il n’y a vraiment que trois ou quatre phrases qui précisent les attentes en matière d’éthique des sénateurs dans l’ensemble du code. Comparons cela aux Principes de déontologie judiciaire, que vous connaissez bien. Sans compter la partie sur les conflits d’intérêts, on y trouve 37 pages de principes et de commentaires. J’y observe une grande latitude d’interprétation, qui est peut-être surprenante quand on la compare aux directives d’éthique que vous devrez appliquer dans le cadre de vos fonctions.
Deuxièmement, il y a aussi la latitude inhabituelle que possède le conseiller sénatorial en éthique de prendre des décisions fondées sur ces interprétations, qui ne sont elles-mêmes pas révisables, pas même par cette assemblée. En effet, nous examinons les manquements, et nous déterminons les sanctions, mais nous ne pouvons pas changer les décisions rendues par le conseiller sénatorial en éthique. Ma question est donc la suivante : considérez-vous que les pouvoirs qui vous sont confiés et la latitude qui vous est accordée sont trop vastes?
M. O’Reilly : Eh bien, pas nécessairement en ce qui concerne le pouvoir, mais certainement en ce qui concerne l’interprétation. Vous avez raison de dire que les grands principes énoncés dans le code doivent être interprétés, et qu’il faut les interpréter en tenant compte des objectifs de cette institution et des activités de ses membres.
En ce qui concerne ces grands principes, j’ai fait allusion tout à l’heure à la possibilité d’y ajouter de la substance de diverses façons. L’une d’entre elles pourrait consister à établir des lignes directrices. S’il ne s’agit pas d’une manière problématique de procéder, c’est certainement une façon de procéder, tout comme le sont les interprétations qui se précisent au moyen des enquêtes préliminaires et des rapports d’enquête.
J’hésite un peu quant à la partie de votre question qui portait sur les pouvoirs et la latitude. Puisque la décision finale relève de cette Chambre lorsqu’une affaire dépasse les pouvoirs et la latitude du conseiller, je ne crois pas que cet aspect soit un problème.
(1610)
Le sénateur Cotter : J’aimerais revenir sur une partie de ce que vous venez dire. D’après ce que nous comprenons, en tant qu’institution, c’est vous ou celui que vous remplacerez bientôt qui décidez à la fois de l’interprétation qui est faite du code et de son application dans un éventail de circonstances précises. Je n’utiliserai pas le mot « pouvoir », mais vous avez la latitude nécessaire pour établir s’il y a inconduite. Le Sénat n’est donc pas apte à déroger à votre décision ou à l’atténuer de quelque façon que ce soit, car il vous a cédé cette latitude. Il ne peut que se prononcer sur une sanction.
Voilà pourquoi j’estime que cette latitude est importante, vu l’absence actuelle de limite.
M. O’Reilly : Oui. Merci pour ces précisions, sénateur. Je vois où vous voulez en venir. Une fois que le conseiller a tranché et qu’il communique sa décision au Sénat, elle ne peut pas être infirmée, même son effet ou ses conséquences pourraient être atténués.
Le sénateur Cotter : Seriez-vous étonné si l’on vous accordait autant de latitude?
M. O’Reilly : Ce n’est pas le cas pour l’instant.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Bienvenue, monsieur O’Reilly. Je vous remercie de vous consacrer au Sénat et de le servir à titre de conseiller sénatorial en éthique.
Ma question concerne le principe de dénonciation par les pairs, qui est à la base de la référence d’une plainte au conseiller sénatorial en éthique. C’est une dénonciation qui n’est pas confidentielle, en ce sens que — et vous le savez sans doute — le sénateur ou les sénateurs qui souhaitent porter une situation qu’ils croient contraire au code concernant un ou une collègue doivent s’identifier et que cette identification sera faite auprès du sénateur qui fera potentiellement l’objet d’une enquête.
Considérez-vous qu’un tel système de dénonciation a un effet dissuasif sur l’application du code en raison de la référence au conseiller sénatorial en éthique? Considérez-vous que ce système fait partie des bonnes pratiques en matière de gestion de l’éthique? Y a-t-il d’autres organisations, selon vous, qui fonctionnent avec un tel système?
M. O’Reilly : Encore une fois, c’est une question très précise, et je ne suis pas actuellement en mesure d’y répondre de manière intelligente.
Je comprends le problème que vous avez identifié, mais c’est une question à laquelle il me faudra réfléchir. Pour l’instant, c’est la seule réponse que je peux donner.
La sénatrice Saint-Germain : Pour alimenter votre réflexion, je vous inviterais à considérer les systèmes de signalement faits par certains ordres professionnels, qui respectent la confidentialité de ces dits signalements.
J’aurais une autre question — quand on passe en dernier, plusieurs de nos questions ont déjà été posées, mais celle-là n’a pas été posée directement. Une de vos fonctions sera de diriger le Bureau du conseiller sénatorial en éthique. Quand on considère votre fonction de conseiller des sénateurs et votre fonction d’enquêteur indépendant — j’ajouterais même votre rapport avec le Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs —, comment voyez-vous l’organisation de votre bureau pour faire en sorte que le rôle que jouera votre bureau en matière de conseil sera étanche par rapport au rôle qu’il jouera en matière d’enquête? Comment faire en sorte qu’il n’y ait pas un mélange négatif de ces fonctions?
Je ne vais pas vous demander si vous allez conserver l’organisation actuelle; ce n’est pas le sens de ma question. Comment croyez-vous que ces fonctions peuvent coexister au sein d’un même bureau tout en étant gérées de manière efficace et responsable?
M. O’Reilly : Visiblement, c’est une question qui trouble les membres de cette Chambre, celle des deux rôles du conseiller. C’est quelque chose que je devrai aborder rapidement, mais je n’ai pas de recommandation précise à faire ou de réflexion à partager en ce moment. Toutefois, j’apprécie beaucoup la question.
La sénatrice Saint-Germain : Si je puis me permettre, ce n’est pas une question, mais une suggestion. Je songe notamment à des organismes qui ont un rôle d’enquête, un rôle de conseil et même un rôle quasi judiciaire. Je vais simplement nommer la Commission d’accès à l’information du Québec; ses triples fonctions sont exercées au sein de la même commission, mais avec une division des tâches assez étanche. Cela pourrait vous intéresser d’étudier cette perspective. Merci.
M. O’Reilly : Je vais l’étudier, merci.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Monsieur O’Reilly, bienvenue au Sénat. Je m’appelle Paula Simons et je suis sénatrice de l’Alberta.
L’une des difficultés que j’ai rencontrées en entrant au Sénat, c’est que je ne venais pas du milieu des affaires comme d’autres sénateurs. Je venais plutôt du milieu des médias. D’autres sénateurs venaient du secteur des organismes à but non lucratif. Or, il semble que de nombreuses règles du code sont rédigées du point de vue de personnes issues du milieu des affaires. Vous pouvez être membre d’un conseil d’administration et recevoir une rémunération substantielle à ce titre. Vous pouvez continuer à diriger votre entreprise ou votre cabinet d’avocats. En revanche, si vous venez du secteur des organismes sans but lucratif, vous n’avez pas le droit de faire quoi que ce soit qui puisse donner l’imprimatur du Sénat à votre organisme sans but lucratif. Vous ne pouvez rien faire pour collecter des fonds. Même si vous n’êtes pas issu du secteur des organismes sans but lucratif, vous ne pouvez pas faire de bénévolat ou de travail caritatif. Vous ne pouvez pas participer à des événements communautaires qui visent à recueillir des fonds.
Je suis perplexe quant au fait qu’il semble y avoir deux poids, deux mesures, c’est-à-dire que l’on puisse exercer une activité professionnelle en contrepartie de grosses sommes d’argent, mais que l’on ne puisse plus exercer d’activités dans le secteur bénévole.
M. O’Reilly : Je vous remercie, honorables sénateurs. Je pense avoir mentionné plus tôt que j’ai pris note du fait qu’il s’agit d’un domaine dans lequel mon prédécesseur a souligné qu’une étude plus approfondie était nécessaire, et je vous remercie pour votre question, parce que, quand il m’a fait cette suggestion, je ne savais pas quelle en était la raison.
Il semble que ce point mérite de l’attention. Je suis tout à fait disposé à examiner cette question.
Dans ma réponse à la sénatrice Pate, j’ai mentionné que certaines parties du code semblent porter sur les formes les plus manifestes de conflits qui surviennent en présence d’intérêts privés de nature pécuniaire et que le code tient peut-être moins compte de domaines sans rapport avec ce contexte particulier, et votre question soulève cette préoccupation. Je comprends ce que vous voulez dire.
La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Monsieur O’Reilly, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui.
Des voix : Bravo!
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?
Des voix : D’accord.
(1620)
[Français]
L’honorable Lucie Moncion (Son Honneur la Présidente suppléante) : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
Rapport du comité plénier
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique, signale qu’il a entendu ledit témoin.
[Traduction]
Adoption de la motion tendant à approuver sa nomination
Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, motions, article no 206 :
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 10 décembre 2024, propose :
Que, conformément à l’article 20.1 de la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, le Sénat approuve la nomination de James O’Reilly à titre de conseiller sénatorial en éthique.
L’honorable Lucie Moncion (Son Honneur la Présidente suppléante) : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La sanction royale
Adoption de la motion tendant à suspendre la séance en attente de la déclaration écrite
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5k) du Règlement, je propose :
Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence pour attendre l’annonce de la sanction royale, et que la sonnerie pour la convocation des sénateurs se fasse entendre pendant 10 minutes.
Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(La séance du Sénat est suspendue.)
[Français]
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1750)
La sanction royale
Son Honneur la Présidente intérimaire informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 17 décembre 2024
Madame la Présidente,
J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 17 décembre 2024 à 17 h 26.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.
Secrétaire du gouverneur général,
Ken MacKillop
L’honorable
La Présidente du Sénat
Ottawa
Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 17 décembre 2024 :
Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires) (projet de loi C-40, chapitre 33, 2024)
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025 (projet de loi C-79, chapitre 34, 2024)
[Traduction]
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 4 février 2025, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Expression de vœux pour un joyeux temps des Fêtes
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénatrices et sénateurs, au nom de la Présidente du Sénat et en mon nom, je prends un moment pour vous adresser nos vœux les plus chaleureux et nos sincères remerciements.
Je voudrais d’abord saluer le travail exceptionnel de chacun d’entre vous, honorables sénatrices et sénateurs, ainsi que de vos équipes, et exprimer ma gratitude envers l’ensemble du personnel du Sénat et de nos partenaires parlementaires.
[Traduction]
Des centaines et des centaines de personnes talentueuses, dévouées et compétentes travaillent sans relâche, souvent dans l’ombre, pour nous aider à nous acquitter de nos fonctions et favoriser le bon fonctionnement de notre honorable institution. Sans leur contribution, nous ne pourrions tout simplement pas remplir notre mandat constitutionnel. Au retour de cette période de congé qui, espérons-le, nous permettra de nous reposer, continuons ensemble à viser l’excellence pour notre grand pays. Le travail que nous accomplissons ici a une incidence réelle sur la vie de tous les Canadiens.
[Français]
À toutes et à tous, je souhaite de joyeuses Fêtes et une nouvelle année remplie de joie, de santé et de bonheur. Merci. Meegwetch.
(1800)
[Traduction]
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(À 18 heures, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 4 février 2025, à 14 heures.)